🧩 Ecrire = créer des puzzles
Ou comment utiliser la psychologie pour créer des personnages inoubliables.
Salut ! J’espère que vous avez passé un bel été 🕶️
Aujourd’hui, on va parler de personnages, de psychologie et de puzzles.
Préparez-vous à découvrir :
Pourquoi les bons personnages sont des énigmes
Le lien entre intrigue et psychologie
Les personnages marquants le sont par leurs faiblesses
Faiblesses physiques, psychologiques ou morales : kesako ?
Comment disséminer les pièces au fil des pages ?
Et plein d'exemples tirés du Comte de Monte-Cristo, de Veiller sur elle (le prix Goncourt) ou du Dîner de cons (oui, j’ai ratissé large)
Bonne lecture !
PS : bienvenue aux 85 nouveaux abonnés (🤩), Chloé, Marion, Cédric, Sophie, Antoine, Alice et tous les autres ! 💌
Pas encore abonné(e) ? J’ai la solution ! Recevez la newsletter un dimanche sur deux en cliquant ici :
Avant de commencer…
C’est une première : l’édition que vous lisez aujourd’hui est sponsorisée !
J’ai été contacté par les auteurs de la newsletter Des contenus et (surtout) des créateurs, qui s’adresse à tous ceux qui veulent vivre de leur passion et de la création de contenu.
Un mercredi sur deux, la newsletter offre conseils et méthodes pour apprendre à développer son audience, ses contenus et en vivre. On y découvre des stratégies éprouvées pour échapper aux algorithmes capricieux des réseaux sociaux, les techniques pour attirer et fidéliser une audience engagée et pour transformer sa passion en revenus.
Mon avis : je me suis abonné depuis quelques semaines pour tester. J’ai trouvé les emails très pédagogiques et complets, avec beaucoup d’exemples, et des idées d’outils faciles à utiliser. Donc c’est un oui 😄
Je vous invite à aller y jeter un oeil en cliquant sur ce bouton :
(et merci énormément à eux pour leur confiance - ça fait bizarre d’être sponsorisé alors que j’écris encore ma newsletter en pyjama)
Ecrire un bon personnage, c'est construire un puzzle
Cet été, j’ai écouté un podcast sur le rôle de la psychologie en écriture. Une idée m’a particulièrement marqué : tandis que le psy, en séance, tente de reconstituer un puzzle, le rôle de l’écrivain est de créer ce puzzle.
La psychologie, c’est la discipline qui vise à étudier et comprendre les phénomènes mentaux. En effet, l’esprit humain est loin de fonctionner de manière simple et prévisible. Notre cerveau nous joue souvent des tours, et comprendre nos propres modes de fonctionnement peut parfois prendre des années.
Or, là où les économistes ont longtemps supposé que l’homme est parfaitement rationnel (le fameux homo economicus), la psychologie démontre le contraire : nous sommes imprévisibles, irrationnels et truffés de biais.
Vos personnages ne font pas exception. Si vous souhaitez les rendre aussi humains et réalistes que possibles, alors vous allez aussi avoir besoin de comprendre leur psychologie.
Le lien entre intrigue et psychologie
Ce qui donne envie d’avancer dans un livre, c’est l’intrigue : on veut connaître la fin, on veut comprendre ce qu’il s’est passé, bref, on veut des réponses à nos questions. Or, l’intrigue se fonde sur les personnages, sur leurs aspirations, et surtout, sur leur évolution. C’était le thème de cette édition :
Plus vous comprenez la psychologie de vos personnages, plus vous leur donnerez épaisseur et complexité. Et pour le lecteur, un personnage complexe, c’est une énigme à résoudre.
Lorsqu’il ouvre un livre, le lecteur procède comme un psychologue : il observe les informations qu’on lui présente, et tente d’en tirer une image d’ensemble cohérente. Qui est le personnage principal ? Comment se comporte-t-il ? Quels sont ses enjeux, ses objectifs, ses doutes ? Que va-t-il faire ensuite ?
Selon sa compréhension de cette image d’ensemble, le lecteur imagine donc toujours une prochaine étape, une suite logique. Et c’est là que l’écrivain peut le surprendre, en faisant agir un personnage de manière inattendue. À chaque fois qu’un personnage fait quelque chose de surprenant, c’est une nouvelle pièce du puzzle pour le lecteur, qui vient changer l’image d’ensemble.
Les personnages marquants le sont par leurs faiblesses
La meilleure manière de justifier qu’un personnage fasse quelque chose d’inattendu, c’est de relier ses actes avec une de ses faiblesses. Toute faiblesse pousse à déployer des mécanismes de défense, conscients ou pas.
Si les faiblesses sont si efficaces, c’est parce qu’elles sont une source inépuisable de conflit :
Conflits internes, p.ex. :
le personnage a une faiblesse, mais n’en est pas conscient
le personnage a une faiblesse, et tente de la surmonter
le personnage a une faiblesse, n’arrive pas à la surmonter, et tente à tout prix de la dissimuler
Conflits externes :
le personnage n’atteindra pas son objectif s’il ne surmonte pas sa faiblesse
le personnage veut à tout prix dissimuler cette faiblesse, ce qui le mène à mentir / se refermer sur lui-même / décevoir un autre personnage / etc.
Plus on a une vue fine de la psychologie de son personnage, plus on peut faire émerger de conflits de ce type. Cela permet de jouer sur la tension permanente entre les actions conscientes du personnage, ses pulsions, son ressenti a posteriori, ses valeurs, etc.
Faiblesses physiques, morales et psychologiques
Les faiblesses permettent d’ajouter une couche de complexité à vos personnages. Il faut trouver des motifs crédibles pouvant handicaper le personnage pendant sa quête. Le fait de vouloir dissimuler / compenser / surmonter ce handicap renforcera l’empathie du lecteur et rendra l’intrigue encore plus prenante.
Les faiblesses physiques sont assez évidentes : le personnage peut avoir un problème avec sa taille, son aspect, son apparence, ses capacités physiques… P.ex. dans le prix Goncourt de cette année, Veiller sur elle, le héros Mimo a beau être un sculpteur de génie, c’est un nabot. Depuis que sa croissance s’est arrêtée lorsqu’il avait douze ans, il vit dans un monde où on le regarde de haut. Cette faiblesse l’a rendu colérique et susceptible ; mais elle est aussi l’un des moteurs les plus puissants de ses rêves de grandeur.
Les faiblesses psychologiques sont liées au caractère du personnage. Il s’agit souvent d’un défaut dont il est conscient, mais qu’il n’arrive pas à contrôler. Dans l’exemple ci-dessus, le fait que Mimo soit colérique et susceptible est une faiblesse psychologique. Cette faiblesse le conduira à gâcher son avenir professionnel en s’abandonnant à un accès de colère, à la suite à une provocation.
Est-ce une réaction rationnelle ou pas rationnelle ? Fallait-il laisser glisser la provocation, afin de ne pas s’attirer d’ennuis ? Ou Mimo a-t-il eu raison de ne pas se laisser faire ? C’est de là que vient la fameuse empathie du lecteur : chacun aurait pu réagir différemment dans cette situation.
Enfin, les faiblesses les plus intéressantes sont les faiblesses morales. La où la faiblesse psychologique pousse le personnage à se faire du mal à lui-même, la faiblesse morale l’amène à faire du mal aux autres sans le vouloir. Cette faiblesse est souvent inconsciente. Pour terminer sur l’exemple ci-dessus, Mimo a du mal à exprimer ses sentiments. Il va donc souvent décevoir les gens pour qui il compte, par son incapacité à leur dire ce qu’ils représentent pour lui, et par sa tendance à s’abriter derrière des mécanismes de défense comme la colère.
Autre exemple de faiblesse morale : dans le Dîner de cons, le héros Pierre Brochant n’éprouve aucune honte à se moquer de ceux qu’il considère comme des “cons”. Mais cette méchanceté gratuite dégoûte sa femme Christine, qui s’éloigne peu à peu de lui.
Intermède
Si vous appréciez ma newsletter, aidez-moi à la faire connaître autour de vous, ça m’aide énormément ! Et c’est même l’occasion de gagner des cadeaux :
1 recommandation → Retours et conseils sur un de vos textes
3 recommandations → Session coaching de 30 minutes ensemble
5 recommandations → Je mets en avant votre projet dans la prochaine newsletter
Il suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour obtenir un lien personnalisé :
Faiblesse, quête et intrigue
Vous l’aurez compris, un personnage peut avoir plusieurs faiblesses, et un même trait de caractère peut être à la fois une faiblesse psychologique et morale.
Selon John Truby, l’auteur de l’Anatomie du scénario, l’un des moteurs principaux de l’intrigue est de savoir si le héros va réussir à surmonter sa faiblesse principale, alors même qu’elle le handicape de plus en plus à mesure qu’il s’enfonce dans sa quête.
Pour ceux d’entre vous qui ont été voir le comte de Monte-Cristo (⚠️ attention, spoilers ⚠️), l’une des faiblesses du comte, anciennement Edmond Dantès, est d’être devenu impitoyable. À mesure qu’il poursuit sa quête (légitime) de vengeance contre ceux qui ont provoqué sa chute, il se montre de plus en plus implacable et inhumain : peu importe le mal qu’il fait autour de lui, tant que ses actions servent sa vengeance. Jusqu’à la toute fin, l’intrigue est portée par cette question : le comte ira-t-il jusqu’au bout ? Ou sera-t-il finalement capable de faire preuve de pitié ?
Comment disséminer les pièces au fil des pages ?
Pour conclure sur cette édition qui est déjà très longue, revenons à l’image du puzzle.
En tant qu’auteur, c’est vous qui construisez le profil psychologique de votre personnage, la vision d’ensemble : “il a {tel trait de caractère} car il a vécu {tel événement ou série d’événements}, ce qui le mène à {agir de telle manière}, même si cela implique souvent de {regretter ses actes}…”
Une fois que vous avez identifié cette trame de fond, vous pouvez choisir les pièces que vous allez livrer au lecteur au fil de l’histoire. Pour rendre le puzzle intéressant, n’hésitez pas à les livrer par bribes, dans le désordre, ou à les faire évoluer en cours d’histoire. P.ex. vous pouvez commencer par montrer un héros très sûr de lui, pour révéler ensuite ses doutes cachés, puis montrer comment il tente de compenser ses faiblesses, avant de remonter aux origines de ce mode de fonctionnement et à la blessure initiale.
Trois conseils pour finir :
Raisonnez en curseurs, pas en absolus : tous les personnages ont leurs faiblesses, mais ces faiblesses ne vont pas être visibles de manière systématique. Un héros colérique ne va pas se mettre en colère à chaque fois qu’il discute avec un autre personnage ; mais l’explosion n’est jamais loin, et pourrait surgir à tout moment.
Show, don’t tell : plutôt qu’expliquer en détail ce que pense et ressent le personnage, essayez de le traduire en gestes et en attitudes. Votre personnage n’est pas sur le divan d’un psy : laissez-le agir, et n’expliquez pas tout.
Laissez travailler l’imagination du lecteur : tout l’intérêt d’un puzzle, c’est de tenter de le résoudre soi-même. Si toutes les pièces sont déjà assemblées, le côté ludique disparaît vite. Faites de même avec le lecteur : plus il y a de vides à combler, plus il pourra se laisser aller à deviner / supposer / faire des hypothèses sur les motifs qui animent le personnage. Donc de nouveau, n’expliquez pas tout !
Le mot de la fin
Il y a énormément à dire sur les personnages, la psychologie et leurs liens avec l’intrigue ; tellement que c’était dur de tout faire rentrer dans une seule newsletter. Merci donc d’avoir lu jusque-là, et je vous retrouve dans deux semaines 😊
J+1111. Ça commence à faire un paquet de jours d’écriture 💪
Cet article vous a plu ?
N’hésitez pas à partager mon travail autour de vous, cela m’aide beaucoup à faire découvrir la newsletter à de nouvelles personnes !
Bonjour Alexandre,
Merci, oui l'été a été bon (et le sera encore car il n'est pas fini !).
J'aime ta métaphore du puzzle.
Et je confirme car on me l'a dit voici quelques années et j'ai pu vérifier que ça marche très bien : il ne faut pas tout dire et il faut laisser le lecteur libre d'imaginer certains éléments du récit.
Ce qui va de pair avec le fait que l'auteur n'a pas pour mission de donner des informations au lecteur (et encore moins, toutes les informations !), ce n'est pas un livre scolaire. Il doit transmettre des émotions, et pour cela, les non-dits et les sous-entendus sont plus efficaces que les grandes explications.
Amicalement,
Georges
Bien illustré. Rien de plus énervant qu’un puzzle auquel il manque la pièce centrale ; on se passe à la rigueur d’un coin ou d’un bout de ciel mais pitié pitié amis auteurs et autrices ne livrez pas une boîte à moitié vide 🫠