✋ J+348 - La vérité, toute la vérité...
Aujourd'hui, on parle des ingrédients pour qu'une histoire sonne vraie.
Bonjour à tous, et bienvenue dans cette 26ème édition !
Ca y est, c’est les vacances : le soleil, les copains, le repos, la plage… Et des heures à dorer sur la serviette, en général avec un livre à portée de main 😎
Ces derniers jours, j’ai lu « Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu, roman qui lui a valu le prix Goncourt 2018. Ce qui m’a marqué, c’est la capacité de l’auteur à écrire une histoire réaliste et crédible. A trouver exactement les bons mots, le bon angle, pour que l’histoire sonne parfaitement vraie.
Ecrire le vrai, c’est mettre le doigt sur ce qui donne aux histoires des allures de réalité, c’est trouver ce qui va résonner avec le lecteur et lui donner envie de tourner les pages. C’est le thème de l’édition d’aujourd’hui. Bonne lecture !
Un Rêve Un Seul est une newsletter gratuite qui rassemble conseils, apprentissages et retours d'expérience pour écrire et publier son premier roman. Des amateurs d’écriture dans votre entourage ? N’hésitez pas à leur transférer cette édition en cliquant ici :
Ecrire vrai, qu’est-ce que c’est ?
Leurs enfants après eux débute en août 1992. Sur la quatrième de couverture, on peut lire ce résumé : “Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence”.
A partir de ce scénario simple, c’est une histoire riche qui se déroule : pendant quatre étés, étalés de 1992 à 1998, on va suivre plusieurs adolescents dans leur passage à l’âge adulte. La découverte du premier amour, les premières conneries, les premières responsabilités, aussi.
Une histoire simple, au fond.
Mais justement, c’est cette capacité à créer une histoire captivante à partir d’une situation pourtant simple que j’ai admirée tout au long du roman. Quand il décrit les sentiments de ses personnages, leurs espoirs, leurs peurs, leurs frustrations… Il y a un goût de vrai.
Une manière de peindre des scènes et des situations que l’on a vécues, observées, constatées. Des choses simples, pourtant. Des choses du quotidien.
L’ennui à la campagne, le temps qui s’étire quand il ne se passe rien. La peur des parents quand on a fait une bêtise. La maladresse la première fois qu’on aborde une fille. La deuxième fois aussi, d’ailleurs. La réalisation du décalage entre le monde qu’on imaginait, et celui qui existe réellement. Les mauvaises décisions qu’on prend sans pouvoir s’en empêcher. Etc.
Au fond, écrire vrai, c’est s’inspirer de soi et du monde qui nous entoure pour identifier ces détails qui rendront le récit précis et immersif.
Objectif : créer de l’empathie chez le lecteur
Alors, à quoi servent tous ces détails ? Certes, ils donnent à l’histoire une teinte réaliste, crédible. En même temps, j’évoquais dans une édition précédente la suspension d’incrédulité : une fois la lecture commencée, on est prêt à accepter beaucoup de choses, même parfois irréalistes… Dès lors qu’elles s’enchaînent de manière cohérente.
Ecrire vrai va plus loin : c’est une méthode puissante pour faire en sorte que le lecteur s’attache aux personnages, et ressente l’histoire de manière beaucoup plus intense - et intime. C’est ce qu’on appelle l’empathie.
Si Harry Potter a marqué toute une génération, ce n’est pas seulement grâce à la richesse de l’univers créé par J.K. Rowling ou au rythme des péripéties. C’est aussi parce qu’on s’attache à Harry et ses amis, car l’auteur nous donne à voir les peurs, les failles et les faiblesses de ces ados qui grandissent : la difficulté à accepter sa différence, la peur du rejet, le courage de prendre des risques, le deuil…
Rappelez-vous : on s’attache souvent aux personnages à cause de leurs faiblesses, plutôt que de leurs forces.
Il y a d’ailleurs un nom pour un personnage à la perfection trop caricaturale : Mary-Sue.
Une Mary-Sue, c’est une héroïne assurée, courageuse, forte, ingénieuse, belle, généreuse, riche, drôle, populaire, intelligente, et, globalement, invincible (bien évidemment, ça marche aussi pour un protagoniste masculin).
Souvent, ces personnages sont une projection du moi rêvé de l’auteur. Tout chez eux est parfait, ils cumulent les qualités, et n’ont qu’un seul défaut… Ils ne sont pas crédibles.
Les doutes, les failles, les échecs, c’est ça qui rend les personnages attachants.
Dans Leurs enfants après eux, Anthony est petit, avec un oeil de traviole. Il peine à se faire inviter dans les soirées cool, et quand il y est, il est incapable de dire quoi que ce soit à la fille qui, pourtant, lui plaît. Et c’est exactement ça qui fait qu’on s’y attache : on a tous vécu des moments de loose comme celui-là.
Six conseils pour écrire le vrai
Pour écrire des scènes et situations suffisamment réalistes, on peut s’appuyer sur la fameuse formule qu’on entend dans les films judiciaires américains :
“Je jure de dire la vérité…” : s’appuyer sur son vécu et sur son expérience personnelle
“… toute la vérité…” : y compris ses aspects les moins reluisants, plutôt négatifs, qu’on occulte plus facilement
“… rien que la vérité” : sans trop s’éloigner de la matière de base en inventant des réactions peu crédibles à nos personnages, juste parce qu’elles nous arrangent en tant qu’auteur
Pour aller chercher cette part de vrai dans notre vécu, voilà six conseils facile à utiliser. D’abord, prendre des notes. Les idées, les ressentis et les sensations sont par essence fugitifs. En prenant des notes sur ses propres impressions et sur ses ressentis (y compris dans des moments de loose), on peut se constituer un réservoir de sentiments réalistes dans lequel piocher au moment d’écrire une scène ou un personnage.
Deuxième idée, discuter avec d’autres personnes. Par exemple, poser des questions sur une situation dans laquelle sont plongés nos personnages : “comment tu réagirais si...”, “est-ce que tu as déjà vécu une situation où…”. Rien ne vous oblige à n’utiliser que vos propres sensations : pensez à faire appel à celles des autres !
Troisième conseil, se poser deux questions pour envisager une situation :
A partir de là, quel serait le pire scénario ?
Et si j’étais à la place de mon personnage, comment je réagirais ?
Ces deux questions peuvent aider à s’éloigner du comportement idéalisé de nos personnages. En envisageant le pire, et en se mettant à leur place, il y a plus de chances de parvenir à identifier tout ce qui pourrait mal se passer, toutes les manières dont ils pourraient se foirer en beauté, comme des gens normaux pourraient le faire. C’est cette normalité qui les rend plus crédibles et réalistes.
Quatrième méthode, que j’avais abordée dans une édition précédente : chasser les clichés au fusil à pompe. Tenter de repérer les situations trop prévisibles, les réactions trop évidentes, les scènes et descriptions vues et revues. Un cliché n’en est un que parce qu’il est peu réaliste : si c’était une situation que nous avons tous vécue, personne n’y prêterait attention, même si elle était fréquente dans les livres et les films.
Cinquième conseil : ne pas être trop ambitieux. Les émotions les plus puissantes n’ont pas besoin à tout prix d’une situation extraordinaire pour se révéler. L’amour, la peur, l’espoir, peuvent apparaître dans des situations simples, tirées de notre quotidien.
Enfin, dernier conseil, un classique en écriture : “Show, don’t tell”. Autrement dit, plutôt que décrire le ressenti des personnages, il est plus efficace de montrer la manière dont ils réagissent, et de laisser le lecteur en tirer des conclusions. Par exemple, plutôt qu’écrire “Ana sentit une vague de colère l’envahir”, on peut écrire “Ana sentit sa mâchoire se crisper”. Pour écrire des réactions crédibles, vous pouvez réfléchir à comment vous réagissez dans certaines situations, en vous concentrant sur les actes plutôt que sur le ressenti.
Voilà pour les six conseils. Si vous avez d’autres idées, ou d’autres exemples d’oeuvres au réalisme marquant, n’hésitez pas à me les suggérer en commentaire !
Les stats de la semaine
Sur le roman :
Relecture & partage aux bêta-lecteurs : 1ère relecture finie ! 100% du livre prêt à être partagé aux bêta lecteurs 🥳
Intégration commentaires bêta-lecteurs : maintenant que la relecture est finie, j’attaque cette partie aujourd’hui
Sur la newsletter :
Organisation d’interviews : interview réalisée côté Robert Laffont ! Je n’ai pas encore mise mes notes en forme, je me concentrais sur la réécriture ces derniers jours. Et bonne nouvelle, j’ai également une touche pour rencontrer une éditrice de chez Albin Michel en septembre.
Nouveaux abonnés : nous sommes à 228 abonnés sur cette newsletter (bienvenue aux nouveaux 👋), et toujours une bonne croissance côté LinkedIn où vous êtes désormais 2140 personnes à suivre Un Rêve Un Seul.
Conclusion
Après un petit passage à vide début juillet, je dois avouer que les vacances font un bien fou, et me redonnent le goût d’écrire ! Je suis content d’avoir terminé la première relecture, et mon manuscrit actuel fait 134 500 mots, soit env. 440 pages. C’est quand même long, surtout pour un premier roman.
En plus d’intégrer les commentaires des bêta-lecteurs, je vais donc utiliser la prochaine phase de correction pour tenter de réduire la longueur de l’ensemble d’au moins 5 à 10%, quitte à supprimer des paragraphes ou des scènes entières.
Bonnes vacances à tous ceux qui en profitent, et rendez-vous dans 2 semaines pour le premier anniversaire de cette newsletter 😊
J+348.