🏋️ J-9 - Cinq choses apprises grâce à mes bêta-lecteurs
En soumettant le début de mon manuscrit à des regards extérieurs, j'ai découvert des choses sur mon écriture.
Bonjour, et bienvenue dans cette vingtième édition !
C’est aujourd’hui depuis la Bretagne que je vous écris, alors que la date butoir se rapproche inexorablement : plus que neuf jours avant de souffler ma 31ème bougie…
Je travaille simultanément à achever la réécriture de la fin du livre et à une relecture d’ensemble pour envoyer les chapitres au fil de l’eau à mes bêta-lecteurs. Ça demande d’être multi-tâche, mais ça vaut le coup : c’est comme si j’avais une équipe de coachs personnalisés !
En un mois de bêta-lecture, j’ai rassemblé plus d’une cinquantaine de conseils, remarques et suggestions pour améliorer mon manuscrit. Comme promis il y a deux semaines, l’édition d’aujourd’hui porte sur les principaux enseignements tirés de nos échanges. Bonne lecture !
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🚁 Leçon #1 : Revenir à la vue d’ensemble
Bon, c’est la première bonne nouvelle : aucun de mes lecteurs n’a renoncé avant d’avoir atteint la fin du premier extrait. Au contraire, ils m’ont tous indiqué avoir hâte de pouvoir lire la suite.
Ouf ! J’ai au moins réussi à capter leur attention sur une quarantaine de pages. C’est un bon début.
Lorsque j’écris ou que je corrige, j’ai trop souvent tendance à me focaliser sur les détails. Les tournures, le choix d’un mot plutôt qu’un autre, ou la description de l’action en cours. Au point de rapidement oublier la vue globale sur le chapitre ou même sur le livre dans son ensemble.
Passer par des lecteurs extérieurs permet de prendre de la hauteur, et d’adopter une vue macro sur son écriture, pour se demander : est-ce qu’ils ont envie de continuer ce livre ?
Ce qui ressort à la lecture des premiers chapitres, c’est la capacité à créer une atmosphère intrigante, à plonger d’entrée de jeu les lecteurs dans une situation choquante afin de capter leur attention. C’est l’objectif que je poursuivais, donc je suis content. Mais il y a une contrepartie…
🎯 Leçon #2 : On écrit pour une cible
Cette contrepartie, c’est justement l’atmosphère oppressante dans laquelle le lecteur est immédiatement placé. Deux bêta-lecteurs m’ont dit que le début du roman leur évoque l’ambiance d’Orange Mécanique, où la violence est présente dès le début du récit (comme l’évoque la célèbre scène d’intro de l’adaptation de Stanley Kubrick).
Or, en dramaturgie, la violence est rarement employée dès le début. L’écrivain, en bon sadique, attendra souvent que son lecteur soit familiarisé avec le cadre de l’histoire et se soit attaché aux personnages, avant de corser le contexte (situation initiale vs. élément perturbateur, rappelez-vous cette édition). C’est cet attachement aux personnages qui fait naître de l’empathie, et qui donne envie au lecteur de poursuivre malgré le côté violent, malaisant ou effrayant de l’action.
En faisant usage de violence crue dès le début, le risque est que certains lecteurs ne passent pas le premier chapitre (c’est le retour que m’a fait une lectrice). Et c’est vrai, c’est un risque. Le problème, c’est que la suite de l’histoire n’est guère plus réjouissante.
En lisant les réactions de mes lecteurs, j’ai pu constater que tous ne réagissent pas de la même manière face à cette ambiance violente. Certains y ont trouvé un côté jubilatoire, voire satyrique : on sait que c’est pour de faux, alors on veut voir jusqu’où les personnages (et l’écrivain avec eux) vont aller. D’autres, au contraire, ont trouvé la scène dérangeante, car ils sont beaucoup moins adeptes et/ou réceptifs à ce type de sujets.
Est-ce grave ? Je ne pense pas. Au contraire : je suis convaincu que tout roman s’adresse à une cible bien précise, et ne peut pas plaire à tout le monde. Nous avons tous des goûts différents, et je pense qu’il faut parfois assumer de pouvoir déplaire. Une histoire qui parle à tout le monde risque de ne plus parler à personne.
💬 Leçon 3 : Choisir le bon niveau de langue
Un parisien friqué tendance hipster, une jeune fille bourgeoise, un sans-abri avec des idées noires… Voilà certains des personnages présentés dans mon premier chapitre. Et ces personnages dialoguent ensemble. Or, la manière dont ils s’expriment doit être cohérente avec leur identité et leur personnalité.
Quand on écrit au quotidien, on essaie de se mettre dans la tête de ses personnages. De penser comme ils pensent, de parler comme ils parlent. Mais la bêta-lecture me l’a montré : chassez le naturel, et il revient au galop !
Je m’exprime de manière assez soutenue - je m’en rends compte quand j’utilise des mots comme “apanage” ou “tropisme” dans les conversations du quotidien : je me heurte parfois à des regards d’incompréhension 😅 Or, j’ai le même réflexe à l’écrit… Et dans certaines répliques, mes personnages ont un langage bien trop littéraire et ampoulé. Conséquence : on n’y croît pas.
Le problème d’un personnage qui ne s’exprime pas de la bonne manière, c’est qu’il brise ce qu’on appelle la suspension d’incrédulité. On ouvre un livre, on se plonge dans le récit, et rapidement, les mots dessinent un univers dans lequel on s’immerge. On est happé par l’histoire. On ne prend pas le temps de se demander si chaque scène, chaque événement, chaque dialogue pourrait avoir lieu dans la réalité. Sauf… Si le décalage est trop fort. Si, en lisant une phrase, on bute. “Ce n’est pas crédible”. Et soudain, on sort de l’histoire.
Travailler le réalisme des personnages, en particulier leur manière de s’exprimer, est fondamental pour garder le lecteur attentif à l’histoire. Sinon, je me condamne à avoir d’autres retours comme celui de cette lectrice qui m’a beaucoup fait rire en me disant “Ton SDF n’est pas crédible, on dirait un professeur de français qui s’est retrouvé à la rue”.
🧨 Leçon #4 : Chasser les clichés au fusil à pompe
Même après plusieurs relectures, le fait de s’ouvrir à des yeux extérieurs permet encore de détecter des petites fautes d’orthographe ou de syntaxe, des mots qui se répètent à quelques lignes d’intervalle, des coquilles (p.ex. un hocher les épaules traînait dans mon troisième chapitre, j’invente des expressions marrantes). Les corriger est l’avantage le plus immédiat de la bêta-lecture.
Mais c’est aussi l’occasion de découvrir ses propres tics et habitudes. Par exemple, on m’a fait remarquer que je dois aimer les chiffres, car ils sont très présents dans mes descriptions : trente minutes au lieu d’une demi-heure...
On m’a aussi fait remarquer que certaines tournures ou descriptions sont cliché. Et si on souhaite développer une écriture originale, alors les clichés doivent être éliminés un à un !
“Les yeux en amande”, “un charme exotique”, “des relations troubles”… Ce sont autant de formules que nous sommes (trop) habitués à croiser. Les remplacer ne fait qu’améliorer la qualité finale du texte.
👀 Leçon 5 : conserver la cohérence du point de vue
A force d’écrire, corriger et réécrire certaines scènes, je ne me rends plus compte des changements que j’opère en cours de chapitre : en particulier le changement de point de vue du narrateur.
En effet, même une scène racontée de l’extérieur correspond finalement toujours à la vision de l’un des personnages - celui avec lequel on a introduit la scène, ou le personnage principal... Si l’écriture est constellée d’indices et d’émotions liées au ressenti du personnage A, alors glisser soudain une référence à ce que pense le personnage B entraîne de la confusion chez le lecteur.
Oui, en tant qu’auteur, on est omniscient sur ce que pensent et veulent les personnages. Mais, pour le raconter, il faut s’astreindre à respecter un point de vue, et un seul ! Sinon, on risque de nouveau de briser la suspension d’incrédulité.
Conclusion
Les conseils ci-dessus sont uniquement tirés des retours concernant les deux premiers chapitres du manuscrit. Pourtant, on se rend compte qu’ils peuvent s’appliquer tout au long du livre : éviter les phrases clichés, vérifier la cohérence du niveau de langue, ne pas changer de narrateur en cours de route…
Peut-être qu’avec un peu plus de recul, je pourrai me constituer une espèce de checklist à appliquer à chaque scène, pour m’assurer que je prends la hauteur nécessaire sur mon texte. Les bêta-lecteurs auront toujours des retours à faire, mais j’espère m’améliorer suffisamment pour qu’ils n’aient pas l’impression de se répéter !
Bref, après un petit mois, cette expérience continue de me remplir d’humilité et de reconnaissance. J’ai réorganisé mon agenda d’écriture pour être régulier sur les envois à mon équipe de choc, donc j’espère que nous serons vite au bout de cette phase de relecture !
Comme on dit : tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin 😄
Les stats de la semaine
Voici le résumé de l’avancement depuis la dernière édition (23 avril).
Sur le roman -
10 pages écrites (2500 mots, 3 heures)
75 pages corrigées (18 800 mots, 5 heures)
Avancement global réécriture : 96 % (+ 1% depuis 2 semaines)
Sur Un rêve un seul -
6 pages écrites pour cette newsletter (1600 mots, 4h)
Conclusion
Bon, vous vous souvenez il y a deux semaines quand j’avais dit que je devrais avoir fini la réécriture aujourd’hui ? J’avais de toute évidence mal calculé 😅 Je travaille sur une scène assez charnière de la fin du roman, bien plus longue que les autres, et donc mon compteur patine autour de 95%. J’espère que la prochaine édition sera la bonne !
J-9 avant la fin du défi… Le roman ne sera pas achevé et prêt à l’envoi pour mon anniversaire, mais je vais faire le maximum pour avoir fini la phase de réécriture d’ici.
Est-ce que j’en serai capable ? … Il se peut que j’envoie une édition le jour J pour vous tenir au courant.
Plus que 216 heures.
J-9 !
Ne lâche rien
Bon courage pour la dernière ligne droite. L'aventure semble passionnante 👌😘