Bonjour Ă tous, 71Ăšme Ă©dition, Ă lire tranquillement entre deux Ă©preuves des JO ! đ„
Je vous Ă©cris du Sud-Ouest oĂč je profite des aprĂšs-midis plage pour rĂ©flĂ©chir Ă la fin de mon histoire. Depuis que jâai attaquĂ© le manuscrit en janvier, ma fin me semblait claire... Sauf quâau moment dâĂ©crire le dernier tiers du roman, blocage : elle ne lâest en fait pas tant que ça. Bonne nouvelle nĂ©anmoins : ça mâaura pris un mois (đ„”), mais ça se dĂ©gage enfin ! Je vais reprendre la rĂ©daction dans les jours qui viennent.
Aujourdâhui, on parle donc de comment trouver la fin parfaite pour son histoire, celle qui marque le lecteur pour (trĂšs) longtemps. Bonne lecture !
PS : bienvenue Ă la vingtaine de nouveaux abonnĂ©s, HĂ©lĂšne, Guillaume, Jeanne, Catherine, Philippe, Jimbo et les autres ! đ
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Lâimportance du bouquet final
LâintĂ©rĂȘt du lecteur pour une oeuvre de fiction tient Ă son envie de connaĂźtre la fin. Que ce soit avec un livre, un film ou une sĂ©rie, nous avons tous connu cette sensation irrĂ©sistible de curiositĂ© qui nous pousse Ă lire un chapitre de plus, Ă regarder encore un Ă©pisode. Câest le rĂŽle de lâintrigue, dont on parlait dans cette Ă©dition (âPourquoi me liriez-vous ?â) : pousser le lecteur Ă se poser des questions, jouer avec sa curiositĂ© pour l'amener Ă tourner les pages.
La fin est le point dâorgue vers lequel converge lâhistoire. Lâintrigue se rĂ©sout, et les questions qui ont Ă©mergĂ© tout du long trouvent enfin leur rĂ©ponse. Plus la fin est rĂ©ussie, plus le roman va marquer durablement le lecteur.
La fin âclassiqueâ (dâaprĂšs mon ancienne prof de français)
Dans la structure littéraire classique que nous avons tous étudiée au collÚge, le récit commence avec une situation initiale, perturbée par un événement déclencheur, suite à quoi se déroulent des péripéties, qui amÚnent à une résolution, et à une nouvelle situation finale.
Ce qui caractĂ©rise la situation initiale comme la situation finale, câest leur stabilitĂ© : ce qui valait la peine dâĂȘtre racontĂ© a Ă©tĂ© racontĂ©, et la vie reprend un cours normal. Dans Le Seigneur des Anneaux, Frodon et Sam rentrent enfin dans leur ComtĂ© natale. Dans Harry Potter, Voldemort est vaincu et Harry peut enfin vivre heureux. Dans Le Roi Lion, Simba a rĂ©cupĂ©rĂ© le trĂŽne qui lui revenait de droit.
Le dernier chapitre de lâhistoire sera souvent dĂ©diĂ© Ă prĂ©senter cette nouvelle situation dâĂ©quilibre, et Ă dĂ©peindre ce que sera la vie des personnages maintenant que leurs aventures sont terminĂ©es. Câest le fameux âIls vĂ©curent heureux et eurent beaucoup dâenfantsâ.
A-t-on envie dâĂȘtre classique ?
Une bonne fin est cohĂ©rente avec le reste de lâhistoire, et rĂ©pond aux questions qui ont Ă©mergĂ© pendant lâintrigue. Ăa fonctionne, et ça Ă©vite au lecteur de rester sur sa faim. Câest bien. Mais il nây a quâun problĂšme⊠Ăa risque dâĂȘtre un peu terne.
Pourquoi ? Ă cause de la peak-end rule.
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PlaĂźt-il ?
Pas de panique, je vous explique. La peak-end rule, ou ârĂšgle de lâapogĂ©e-finâ, est un biais psychologique thĂ©orisĂ© par Daniel Kahneman, prix Nobel dâĂ©conomie. En gros, quand nous pensons Ă une expĂ©rience passĂ©e (comme lire un livre ou regarder un film), notre mĂ©moire se focalise sur deux choses : le moment le plus fort (peak), et la fin (end).
Imaginons quâun livre vous a tenu en haleine pendant 800 pages, mais que la fin vous déçoit. Le rĂ©cit aura beau vous avoir plu pendant 90% du temps⊠Vous finissez sur un goĂ»t amer, une impression durable de dĂ©ception. Câest ça, la peak-end rule.
Et câest tout le risque avec les conclusions âclassiquesâ : se priver de la meilleure des occasions dâĂ©blouir le lecteur.
Au faitâŠ
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Ecrire une fin inoubliable
Si vous souhaitez impressionner votre lecteur, il existe une technique plus difficile Ă mettre en oeuvre, mais diablement efficace : le twist. Le twist est un rebondissement final, une ultime surprise, qui donne une nouvelle lumiĂšre Ă lâensemble du rĂ©cit.
En plus de conclure lâintrigue avec brio, le twist pousse le lecteur Ă revivre lâhistoire dans son intĂ©gralitĂ©, cette fois-ci en tenant compte de cette information quâil vient de dĂ©couvrir et que lâauteur lui avait cachĂ© si longtemps.
Alors bien sĂ»r, Ă©crire une fin marquante ne se dĂ©crĂšte pas dans les cinquante derniĂšres pages. Au contraire, votre effet devra avoir Ă©tĂ© mĂ»rement rĂ©flĂ©chi depuis la genĂšse mĂȘme du roman et lâĂ©criture des premiĂšres lignes.
Parmi les oeuvres les plus connues prĂ©sentant un tel twist, on peut citer The Usual Suspects (bien vu pour ceux qui ont la refâ), Fight Club ou encore Le SixiĂšme Sens. Plus rĂ©cemment, jâai aussi trouvĂ© des twists rĂ©ussis dans Mon mari de Maud Ventura ou dans Alex de Pierre Lemaitre.
Dans lâavant-derniĂšre Ă©dition sur la transformation des personnages, je vous parlais de la technique du ârebondissement-rĂ©vĂ©lationâ : lorsquâun personnage vit ou dĂ©couvre une chose qui lâaffecte suffisamment pour changer sa vision du monde. Le twist permet de faire vivre la mĂȘme chose au lecteur.
Alors bien sĂ»r, toutes les histoires nâont pas forcĂ©ment besoin de finir sur un twist aussi fort. Certains retournement scĂ©naristiques sont mĂȘme devenus des poncifs, par exemple le fameux âet en fait, tout ça nâĂ©tait quâun rĂȘveâ. Mieux vaut une fin sans twist quâun twist ratĂ©.
Pour autant, il est possible de crĂ©er une fin marquante sans aller jusque-lĂ , en glissant dans les ultimes pages du rĂ©cit une derniĂšre rĂ©vĂ©lation ou un dernier dĂ©tail Ă lâattention du lecteur.
Bien avant dâĂ©crire la fin, demandez-vous si votre histoire pourrait bĂ©nĂ©ficier dâun twist ou dâune surprise de ce genre. Si vous en trouvez un qui vous satisfait, glissez des indices ici et lĂ tout au long de lâĂ©criture - des petites phrases qui nâont lâair de rien⊠Mais qui permettront au lecteur, au moment de refermer le livre, de rĂ©aliser que la rĂ©ponse Ă©tait lĂ , sous ses yeux. De vivre ces quelques minutes de flottement qui marquent la conclusion des grandes oeuvres, et qui font ressortir les textes inoubliables.
Hop, au boulot !
Le mot de la finâŠ
JâespĂšre que cette 71Ăšme Ă©dition vous aura plu. Nous sommes de plus en plus nombreux ici, et ça fait plaisir đ Je vais probablement prendre une petite pause avec la newsletter afin de me consacrer au roman, donc prochaine Ă©dition pour dĂ©but septembre !
Lisez, Ă©crivez, reposez-vous, bref : passez un bel Ă©tĂ© đ
J+1083.
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Je découvre avec toi la peak-end rule, super intéressant !
Pour mes romans, comme j'aime planifier les intrigues, je prĂ©pare tout le chapitrage avant d'Ă©crire. Mais j'ai remarquĂ© que quand je n'ai pas assez creusĂ© cette phase d'idĂ©ation, la fin reste ouverte, je dispose de 2-3 options. Si je dĂ©cide de me lancer quand mĂȘme parce que la plume me dĂ©mange, c'est l'Ă©criture elle-mĂȘme qui dĂ©cide. Avec l'expĂ©rience, ces situations se rĂ©duisent, mais il faut savoir laisser son inconscient prendre les rĂȘnes (pas trop quand mĂȘme). Si on se laisse surprendre, et que ça fonctionne niveau dramaturgie, on peut parier que le lecteur sera surpris !
super intéressant ! merci Alexandre :)