🎨 J+404 - Les descriptions, ça sert à rien ?
Beaucoup d'écrivains débutants galèrent pour faire de belles descriptions. Comment y remédier ?
⏱ Temps de lecture : 4 minutes
Bonjour à tous, et bienvenue dans cette 30ème édition !
Quand on raconte une histoire à l’écrit, on est obligé de faire des descriptions. Sans images et sans son, il n’y a que les mots pour permettre au lecteur de se représenter des personnages, des lieux et des ambiances.
Pourtant, beaucoup d’écrivains bloquent sur les descriptions. Parce que c’est plus difficile, peu naturel, ou parce qu’ils ont peur d’ennuyer le lecteur.
Aujourd’hui, on va donc parler de 3 choses :
Pourquoi les descriptions font peur aux écrivains (et aux lecteurs)
Le problème des descriptions : l’approche photographique
La solution pour s’améliorer : les descriptions incarnées
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Pourquoi les descriptions font peur aux écrivains (et aux lecteurs)
Quand on demande aux lecteurs s’ils aiment les descriptions, il y a de fortes chances qu’ils répondent non. Celles-ci évoquent souvent des ouvrages classiques tirés du programme des cours de français au collège : Victor Hugo, Zola, Balzac…
Or, les standards modernes ont beaucoup évolué depuis cette époque. On cherche l’action, le rythme, le suspense, l’intensité. Dans tout ça, les descriptions font tâche. L’écueil principal des descriptions, c’est d’ennuyer le lecteur.
En témoigne ce bon mot qui m’a fait rire récemment :
Il y a plusieurs raisons au volume des descriptions dans les ouvrages classiques. Tout d’abord, avant l’apparition de la TV, des appareils photo et de l’éducation de masse, les auteurs devaient décrire à leurs lecteurs des paysages et des atmosphères dont ils ignoraient tout. Comment projeter dans les rues de Paris quelqu’un qui n’y a jamais mis les pieds ? Faire imaginer les Alpes à quelqu’un qui n’a jamais vu la montagne ? A l’époque, les descriptions étaient avant tout informatives.
Et puis, alors que se développaient les romans-feuilletons, les auteurs étaient souvent payés à la page. On comprend mieux leur motivation à ne pas faire avancer l’histoire trop vite.
Enfin, l’importance accordée à l’époque aux règles académiques poussait souvent les écrivains à faire étalage de leur style. Mais ce qui permettait de devenir un “grand écrivain” au XIXe siècle, peut aujourd’hui être perçu comme lourd et ampoulé.
En écriture comme ailleurs, on cherche souvent la nouveauté… Et les longues descriptions n’ont plus la côte. Mais ça, pendant longtemps, je l’ignorais.
Le problème des descriptions : l’approche photographique
Influencé par cette littérature classique, j’ai longtemps pensé qu’un livre devait contenir son lot de belles descriptions très travaillées. C’est ainsi qu’un auteur montre son style après tout, non ?
Sauf qu’au moment de me poser devant ma feuille, les sessions consacrées aux descriptions étaient toujours une tannée. Je cherchais la bonne phrase, le bon mot, et je me rendais compte que je n’écrivais que des banalités.
Pourquoi ? Car comme de nombreux débutants, j’avais une approche trop photographique des descriptions. On imagine une histoire, on visualise les scènes dans sa tête, et au moment de les écrire, on essaie de retranscrire aussi clairement que possible ce qu’on imagine. Mais souvent, ça tombe à plat.
La raison ? D’abord, cette approche photographique a tendance à favoriser les descriptions-fleuve, comportant de nombreux éléments présentés successivement.
Un personnage entre dans une chambre, on va décrire le lit, la fenêtre, le bureau et ce qu’il y a dessus. Qu’est-ce que ces informations apportent ? Eh bien… Rien. Comme je vous disais dans l’édition sur comment élaguer son manuscrit, il faut faire confiance au lecteur : inutile de décrire, tout le monde voit à quoi ressemble une chambre.
En plus, avec cette approche photographique, les jeunes auteurs ont souvent tendance à se focaliser sur les mêmes éléments : par exemple un personnage sera souvent décrit avec le triptyque taille - couleur des cheveux - couleur des yeux.
Le problème, c’est que ces descriptions peinent à résonner chez le lecteur. “Un grand brun aux yeux noirs”, ça s’applique autant à Jean Dujardin qu’à Jacques Chirac et Marylin Manson. On peut décrire autant d’éléments factuels qu’on le souhaite, le lecteur n’aura jamais dans la tête exactement la même chose que l’écrivain.
La solution : des descriptions incarnées
Ce qui m’a aidé à surmonter ce blocage lié aux descriptions, c’est la découverte des descriptions “incarnées”. L’objectif n’est plus d’être exhaustif, mais de se focaliser sur ce que va ressentir le lecteur. On veut générer une émotion, et pas juste une représentation mentale précise.
Pour appliquer ça, il faut se mettre dans la tête de son personnage. Et ça a été beaucoup plus facile à faire une fois que j’ai compris qu’il ne faut qu’un seul narrateur par scène. Même quand tout est raconté d’un point de vue externe (“il…” plutôt que “je…”), une scène est plus parlante quand elle est centrée sur un des personnages qui la vit.
C’est ça qui va permettre d’incarner les descriptions. On ne se concentre pas sur ce que le personnage voit, mais sur ce qu’il ressent, sur ce qui lui saute aux yeux. Sur ses impressions au moment où il entre dans la chambre. Sur ce qu’il pense à l’instant où il rencontre ce grand brun aux yeux noirs.
Le but de cette approche, c’est de s’attacher aux détails. Parce que les détails, c’est ce qui marque. C’est ce qui sort de l’ordinaire. C’est ce qui casse les clichés. Une bonne description, ce n’est pas forcément une image d’ensemble, précise et bien brossée. Ca peut être une impression, un ressenti, une métaphore.
Petit disclaimer avant de conclure : évidemment, tout ça est mon avis personnel. Chaque lecteur, chaque écrivain aura ses préférences en matière de descriptions, et Victor Hugo reste évidemment un modèle pour de très nombreux aspirants romanciers. Mais il faut savoir de quoi s’inspirer dans le travail des maîtres, et quoi laisser de côté ! Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’on peut tous faire mieux que : “il entra dans la chambre. Il y avait un lit avec deux oreillers”.
Les stats de la semaine
Sur le roman :
Et d’une moitié ! J’en suis à 52% dans l’élagage du manuscrit, soit 232 pages corrigées, qui n’en font plus que 160 🥳 Autrement dit, j’ai réussi à faire sauter près d’un tiers de cette première moitié. J’ai l’impression que mon livre fait une véritable cure de minceur, mais ça lui fait le plus grand bien.
Je conserve un gros rythme de travail avec 25 heures sur le roman ces 2 dernières semaines, en plus des 2-3 heures nécessaires pour écrire cette newsletter. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt 🔥 (les cernes aussi)
Sur la newsletter :
Nous sommes désormais >250 abonnés avec une vingtaine de nouveaux inscrits ces derniers jours ! Bienvenue à tous les nouveaux 👋
Conclusion
Les nouvelles sont bonnes, tant du côté du manuscrit que de la newsletter, donc mon objectif est maintenant de garder le même rythme malgré l’arrivée de l’automne. Se lever à 7h pour travailler, c’est nettement plus motivant quand il fait jour et que le ciel est bleu…
Néanmoins, si j’arrive à continuer comme ça, j’aurai fini la phase d’élagage de mon manuscrit fin octobre. Il me restera donc deux mois pour faire une dernière passe et identifier les éditeurs à cibler, avant d’envoyer le manuscrit aux maisons d’édition en Janvier 2023. L’échéance approche, alors pas le temps de traîner !
J+404.
PS : n’hésitez pas à cliquer sur “répondre” pour dire à Gmail que je ne suis pas un spammeur, nan mais oh ! Merci et à dans deux semaines 😊
La citation de Proust est aussi délicieuse qu’une madeleine 😉
Merci de ces articles fort intéressant. Pour moi, le maitre actuel des descriptions incarnées est Nicolas Mathieu; il ne dit pas grand chose, mais tout est là, visible dans le silence des mots, des sous entendus, des sensations.
A vite,
Jessica