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Bonjour à tous, et bienvenue dans cette 28ème édition !
J’ai une activité passionnante en ce moment : élaguer mon manuscrit. Je craignais de ne pas savoir quoi enlever, TOUT me semblait valoir le coup. Pourtant, après deux semaines sur l’exercice, les premiers résultats sont très encourageants : j’ai corrigé près de 90 pages, et j’en ai viré 23. Un petit -25%, pas mal !
(non, c’est pas juste en réduisant la taille de la police, je vous vois venir)
Ca m’a donné envie d’écrire cette édition, où on aborde trois choses :
Les raisons de réduire la taille de son manuscrit
Pourquoi c’est dur d’élaguer son propre texte
Quelques conseils pour y arriver quand même
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Pourquoi réduire la taille de son manuscrit
Je vous en avais parlé il y a un mois : je dois réduire la taille de mon roman. 440 pages, pour un romancier pas encore publié, c’est trop. Il y a bien sûr des exceptions, mais pour la plupart des éditeurs, le premier roman idéal fait 150 à 250 pages.
Il y a deux raisons à ça. D’abord, un livre plus fin, c’est moins cher à imprimer. Publier un nouveau romancier, c’est toujours un pari, et les ventes sont loin d’être assurées : on essaie donc de limiter les coûts, d’autant que le secteur de l’édition est frappé de plein fouet par l’inflation et la crise du papier.
Par ailleurs, il y a aussi un “effet pavé” qui risque de dissuader des lecteurs : la plupart des gens préfèrent un livre pas trop long, facile à amener avec eux au travail ou à la plage.
Je souhaitais donc diminuer la taille de mon manuscrit. Il y a un mois, je vous avais annoncé mon objectif : réduire l’ensemble de 5 à 10% maximum. J’y croyais pas trop, mais il fallait tenter. Comme disait Steve Jobs, « faire simple est la chose la plus compliquée du monde ».
Au-delà du nombre de mots, je voulais aussi que le roman gagne en rythme, devienne plus punchy. Tenir le lecteur en haleine tout au long de l’histoire, ce sera toujours plus facile sur cent pages que sur trois cents.
Bref : il y a deux semaines, j’ai attaqué cette nouvelle phase de correction avec un stylo rouge dans la main, et une seule consigne : barrer, barrer, barrer.
Pourquoi c’est dur d’élaguer son propre texte ?
1 - On a peur que ce soit moins compréhensible
Lors de mes relectures précédentes, j’avais déjà en tête le fait qu’il ne fallait pas être trop long. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher : à chaque fois que j’enlevais un paragraphe quelque part, j’en ajoutais un autre ailleurs.
La raison derrière ça ? La première d’entre elles est scénaristique : quand on retire un élément de l’histoire, on a peur qu’il manque à l’ensemble. Que ce soit moins clair, moins fluide, moins compréhensible. A-t-on suffisamment expliqué l’état d’esprit d’un personnage pour qu’on comprenne ses actes ? Faut-il absolument tout montrer, et tout expliquer ?
Avant, je pensais que oui. Pourtant, j’ai revu ma copie. A trop vouloir tout expliquer, j’en oubliais de faire confiance au lecteur. Un livre, c’est le meilleur moyen de faire travailler l’imagination de celui qui nous lit. Et tout ce qui n’est pas écrit dans le texte, le lecteur le construira dans sa tête.
Par exemple, si je dis “Alex entre dans la chambre”, est-ce que j’ai besoin de préciser que celle-ci contient un lit, deux oreillers et une table de nuit ? Il y a fort à parier que non. On a tous une chambre : si le personnage entre dans la sienne, on visualise très bien la scène, même si l’auteur ne donne pas d’infos sur la disposition des meubles.
2 - On y a passé du temps, p***** 😭
C’est sûrement la raison qui me bloquait le plus : détruire ce qu’on a mis tant de temps à créer. On écrit, on galère, on bloque, on réfléchit, on revient, on édite, on corrige, on recommence, jusqu’à parvenir à un paragraphe satisfaisant. Et à la relecture, on se dit que finalement, il faut entièrement le supprimer ?
Eh oui : la phase de correction, c’est une bataille contre son propre ego. On se rappelle à quel point on a souffert pour achever une scène. Ce n’est pas pour la supprimer maintenant, si ?
Eh bien, parfois, si. “On s’en fout, en fait“.
Au même titre que certaines personnes aiment s’écouter parler, l’écrivain peut vite tomber dans le piège de se regarder écrire. Autrement dit, refuser d’éliminer certains passages parce qu’ils lui plaisent, parce qu’il les trouve bien écrits, ou parce qu’ils lui ont demandé beaucoup d’efforts.
Mais à chaque fois qu’on fait ce choix, on raisonne selon notre propre intérêt. Et ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est l’intérêt POUR LE LECTEUR. Et c’est tout.
Un paragraphe peut être le mieux écrit du monde, agréable à lire, empli de figures de styles originales et bien trouvées : s’il n’apporte rien à l’histoire, à quoi bon le conserver ?
Quelques conseils pour abréger son manuscrit
Evidemment, c’est provoc’ de dire que le style ne compte pas. En réalité, chaque auteur aura ses objectifs personnels.
L’important, c’est de comprendre qu’il faut hiérarchiser ses objectifs. Cela permet d’établir des règles avec lesquelles trancher en cas de contradiction.
A titre personnel, j’ai décidé que mon objectif #1 est le rythme du livre. Je veux créer une lecture coup de poing, un page-turner, une histoire qui embarque le lecteur dans un tourbillon de la première à la dernière page. Et depuis que j’ai clarifié cet objectif, la relecture est bien plus facile.
Certaines phrases, certains paragraphes entiers mêmes, sont joliment écrits, mais ils ne font pas avancer l’histoire. Alors oui, c’est dur, mais poubelle. Ca ne signifie pas que je renonce à toute forme de style. Mais que je conserve uniquement ce qui est bien écrit SI c’est utile.
Ce qui m’a énormément aidé pour en arriver à ce stade, c’est la collaboration avec mes bêta-lecteurs : à travers leurs remarques, j’ai pu me faire une idée globale des passages moins rythmés, et tailler dans le gras.
Au-delà du choix des objectifs et de l’importance des avis extérieurs, voilà les autres méthodes que j’applique pendant ma correction actuelle, et qui ont l’air de bien fonctionner :
Commencer par s’interroger sur le rôle de chaque scène : à quoi ressemblerait le manuscrit si on la supprimait ? Est-ce que l’histoire en pâtirait vraiment ? Quels sont les éléments incontournables à garder à tout prix ?
Relire chaque scène une première fois sans rien corriger, mais en se contentant de surligner tout ce qui sonne mal, faux, en trop, etc. Idem, à chaque paragraphe, s’interroger : est-ce que celui-ci sert le but de la scène ?
Relire une seconde fois en effectuant les corrections.
L’intérêt de faire plusieurs lectures d’affilée de la même scène, c’est d’être de plus en plus exigeant : après s’être enfilé trois fois les dix mêmes pages, on veut clairement aller à l’essentiel
Relire une dernière fois, et cette fois-ci à haute voix, pour identifier les lourdeurs et cassures de rythme.
Et, comme toujours, quantifier le résultat : combien de mots avant vs. après. Comme le montre le tableau utilisé en illustration, j’arrive à ôter 25% en moyenne, donc tant que je n’ai pas élagué au minimum 15%, je me dis que je peux aller plus loin et être encore plus exigeant.
Niveau résultat, je me suis fait le petit Excel dont j’ai mis la capture d’écran ci-dessus. C’est super encourageant de voir que j’ai déjà atteint le -5% que je visais, en ayant relu moins d’un quart du roman ! J’espère bien continuer au même rythme dans les semaines qui arrivent.
Les stats de la semaine
Sur le roman :
Enorme boost de motivation récemment : peut-être l’effet mois d’août et le retour de vacances, mais je me lève désormais à 7h tous les matins pour écrire. Pas l’temps d’niaiser. Sur ces deux dernières semaines, j’ai écrit 30 heures, donc plus de 2h / jour en moyenne. Les résultats suivent 🚀
Sur la newsletter :
Organisation d’interviews : l’interview réalisée avec Robert Laffont est prête à être publiée, elle devrait arriver la prochaine fois (mais aujourd’hui j’avais trop envie d’écrire sur cet élagage de texte haha)
Nouveaux abonnés : nous sommes à 235 abonnés sur cette newsletter (+3% depuis le mois dernier), et toujours une bonne croissance côté LinkedIn où vous êtes désormais 2239 personnes à suivre Un Rêve Un Seul (+5%). Pas mal, dans la mesure où je fais vraiment le strict minimum en termes de comm’ : 1 post toutes les 2 semaines.
Conclusion
C’est cool de voir des progrès aussi tangibles en ce moment, et je m’acharne pour continuer de tenir le rythme.
J’ai mon tableau Excel et ma tronçonneuse : le manuscrit n’a qu’à bien se tenir.
On se retrouve dans deux semaines !
J+376.
Hello Alexandre ! Super intéressant, d'autant plus lorsqu'on est confronté au même sujet ;-) Merci de nous partager tout cela, c'est une aide précieuse.
Quand tu écris que la taille idéale d'un premier roman fait 150 à 250 pages, c'est sous quel format ? Car on peut faire varier le nombre de pages très grandement... selon la taille des marges, des interlignes, de la police, et tout simplement de la page elle-même. Dans ce que j'écris, je suis en format A4, police Times New Roman, taille 12, interligne 1,5. Et j'ai seulement 184 pages... mais 71000 mots et 400 000 caractères, donc j'ai l'impression que cela ne correspond pas bien avec les chiffres de ton tableau. Soit il me manque une information, soit je n'ai pas tout compris...
Phase essentielle ! Un peu comme le montage sur un film! Bravo 🤗