đ§ââïž J+768 - Try, fail, repeat
Et si toute cette (belle) aventure se soldait par un Ă©chec ?
Bonjour et bienvenue dans cette 51Ăšme Ă©dition !Â
Ăa fait longtemps, non ? AprĂšs la newsletter des deux ans en aoĂ»t, jâai eu besoin de prendre une pause. Ăa fait 6 semaines que je nâai touchĂ© ni au roman, ni Ă lâĂ©criture, ni Ă ma liste dâĂ©diteurs Ă contacterâŠÂ Et ça mâa fait beaucoup de bien.
Ăa mâa aussi permis de rĂ©flĂ©chir Ă une question importante : « Et si, malgrĂ© tous mes efforts, ça ne marchait pas pour ce manuscrit ? »
Câest une option que jâenvisage dĂ©sormais plus sereinement. Et câest le thĂšme de cette newsletter. Au programme :
 1 - Comment prendre de la distance avec ce quâon Ă©crit
2 - Le lien entre distance, échec et résilience
3 - On nâĂ©choue jamais Ă 100%
Bonne lecture !Â
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Comment prendre de la distance avec ce quâon Ă©crit
Les Ă©crivains dĂ©butants se divisent en deux catĂ©gories : ceux qui pensent ĂȘtre nuls, et ceux qui pensent ĂȘtre des gĂ©nies. La rĂ©alitĂ© est souvent dans lâentre-deux. De mon cĂŽtĂ©, au dĂ©but du moins, jâĂ©tais dans la seconde catĂ©gorie.Â
đą Point positif : jâĂ©tais fier de ce que jâĂ©crivais, ce qui mâa donnĂ© assez de confiance en moi pour aller au bout de lâĂ©criture dâun manuscrit.Â
đŽ Point nĂ©gatif : une fois le premier jet, je manquais dâesprit critique vis-Ă -vis de mon propre texte.Â
Câest normal. Jâavais fourni tant dâefforts que je ne voulais pas voir les dĂ©fauts. Ni imaginer le temps quâil faudrait pour les corriger. Face à ça, un seul remĂšde : laisser son texte de cĂŽtĂ© pendant quelques semaines.Â
Ce laps de temps permet de rĂ©duire son attachement Ă©motionnel Ă son roman. On sort la tĂȘte du guidon, on pense Ă autre chose, on prend de la hauteur sur son travail⊠Puis on le redĂ©couvre avec un oeil neuf.Â
Jâai appliquĂ© cette mĂ©thode Ă la fin de mon premier jet, mais Ă©galement aprĂšs chaque phase de correction / dâĂ©lagage. Et Ă chaque fois, quand je revenais sur mon texte, jâidentifiais de nouveaux dĂ©fauts, et de nouveaux Ă©lĂ©ments Ă corriger⊠Et je voyais mieux pourquoi mon travail Ă©tait imparfait. Â
Le lien entre distance, échec et résilience
AprĂšs avoir rĂ©pĂ©tĂ© cet exercice plusieurs fois, jâai enfin envoyĂ© mon texte aux Ă©diteurs il y a 3 mois. Mais je reste lucide : lâĂ©chec est une possibilitĂ© rĂ©elle. Plus les semaines passent, et moins il est probable que je reçoive une rĂ©ponse positive.Â
Dâailleurs, point sur les stats : jâai envoyĂ© mon manuscrit Ă 22 maisons dâĂ©dition spĂ©cialisĂ©es en romans noirs & thrillers. A lâheure actuelle, jâai reçu 7 rĂ©ponses nĂ©gatives, quasiment toutes fin aoĂ»t. En septembre, rien. Câest la rentrĂ©e littĂ©raire, et les Ă©diteurs ont moins de temps Ă consacrer Ă lâĂ©tude des nouveaux manuscrits.Â
La bonne nouvelle, câest que 2 refus Ă©taient argumentĂ©s â ce qui prouve en gĂ©nĂ©ral que le manuscrit a Ă©tĂ© lu en entier, et le texte considĂ©rĂ© sĂ©rieusement.Â
Ces retours font Ă©cho Ă des commentaires de mes bĂȘta-lecteurs : jâai trop de personnages, ou leur psychologie nâest pas assez creusĂ©e. JâĂ©tais conscient de ces failles, mais jâai pourtant dĂ©cidĂ© de les assumer, car lâhistoire me semble fonctionner en lâĂ©tat. Peut-ĂȘtre quâune maison dâĂ©dition aura le mĂȘme avis. Peut-ĂȘtre pas.Â
Quoi quâil en soit, le risque existe : peut-ĂȘtre que le manuscrit ne sera pas publiĂ©. Et câest vrai quâaprĂšs 2 ans, ce serait frustrant. Mais aujourdâhui, grĂące Ă cette pause de quelques semaines, câest une possibilitĂ© Ă laquelle je me sens prĂ©parĂ©.
En rĂ©sumĂ© : prendre de la distance avec son texte permet dâenvisager lâĂ©chec.Â
On nâĂ©choue jamais Ă 100%
Ok, Ă©chouer est une option. Mais au mĂȘme titre quâon ne peut jamais Ă©crire un roman parfait dĂšs le premier essai, câest tout aussi impossible de se planter totalement.Â
Ecrire un manuscrit et aller jusquâau bout, puis le corriger, le faire relire, le re-corriger, lâenvoyer Ă des Ă©diteurs et obtenir une derniĂšre salve de retours⊠A chacune de ces Ă©tapes, on apprend plein de choses.Â
A titre personnel, je sais que jâai progressĂ© sur lâĂ©criture de dialogues, sur les descriptions et sur la construction de mes personnages. Jâai aussi appris Ă rendre un texte plus dynamique et Ă Ă©liminer le superflu. Ces apprentissages mâaccompagneront sur mes futurs textes, quâil sâagisse de nouvelles ou de manuscrits dâautres histoires.Â
Tout ce travail nâa pas Ă©tĂ© inutile. Peut-ĂȘtre que mon âpremier romanâ ne sera pas tirĂ© de ce manuscrit que je bosse depuis 2 ans. Ăa semble presque ĂȘtre un rite de passage : tous les Ă©crivains Ă©ditĂ©s que jâai rencontrĂ©s ont au moins un manuscrit qui dort dans un tiroir.Â
Alors, pour conclure, je mâen remets aux mots de Rudyard Kipling : âSi tu peux voir dĂ©truit lâouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre Ă rebĂątir (...) Tu seras un homme, mon fils !â
J+768.
DĂ©jĂ bravo pour lâengagement et pour ĂȘtre allĂ© au bout. Tu as tenu toutes tes promesses.
Je nâĂ©cris pas personnellement des romans, mais jâĂ©cris tous les jours dans mon travail. Jâai la chance quâon me propose des projets sympa. Jâai Ă©crit cette semaine un discours pour un 1er ministre europĂ©en pour un Ă©vĂ©nement sur une thĂ©matique que je maitrise. Et perso, je ne crois pas au gĂ©nie de la personne qui Ă©crit. Je ne crois pas non plus Ă la nullitĂ©. Je crois au travail et au gĂ©nie de la vie. Ăa mâest personnel, mais jâai tendance Ă penser que de croire quâil faille investir trop de temps dans quelque chose, ou pour certaines personnes de penser quâil faille souffrir pour produire du bon travail sont des pensĂ©es limitantes. Et que ces pensĂ©es sont nourries par notre mental et notre ego qui voudraient tellement quâon soit des gĂ©nies en sacrifice ou en souffrance. Je pense quâon nâest que les canaux dâun gĂ©nie supĂ©rieur et que les grandes choses arrivent dans un lĂącher prise total, et une forme de canalisation plus terre Ă terre qui vient aprĂšs et quâon peut appeler travail.
Quand jâĂ©tais plus jeune, je voulais vraiment avoir un mĂ©tier qui mâamĂšne Ă Ă©crire. Je mây suis plongĂ©e Ă corps perdu. Et puis, chose inattendue, lâĂ©criture mâa amenĂ©e Ă vivre. A vivre plus intensĂ©ment, plus authentiquement, Ă expĂ©rimenter avec mon corps et tous mes sens.
Pour Ă©crire mon discours, cette semaine, jâavais 24h. Jâai consacrĂ© 4h Ă lâĂ©criture, assez peu finalement, et 2h heures de fact checking. Le reste du temps, je suis allĂ©e Ă un cours de thĂ©Ăątre dâimpro, jâai marchĂ© en forĂȘt, jâai mĂ©ditĂ© auprĂšs dâun arbre et je nâai laissĂ© aucune place au doute, au fantasme ou au mental. Mais dans le temps imparti Ă Ă©crire, jâĂ©tais lĂ et jâĂ©tais vraie. Au final, le press office du ministre a gardĂ© 95% de mon discours. Ils ont donc apprĂ©ciĂ©. Aujourdâhui, je remercie lâĂ©criture de mâavoir appris Ă vivre, dâavoir modelĂ© mon regard, mon empathie, mon humilitĂ©, ma connexion. Pour moi, ça a du sens, parce que je pense faire honneur Ă mon pĂšre dĂ©cĂ©dĂ© qui Ă©tait docteur en philo et qui aurait aimĂ© que ma vie soit avant tout humanitĂ©, croissance et Ă©panouissement. Câest ça qui Ă©tait sur mon chemin, ma rĂ©ussite peut-ĂȘtre. Parce que je ne crois pas non plus que dans la vie les choses soient toutes blanches ou noires, « jâai rĂ©ussi ou Ă©chouĂ© Ă ce truc ». PubliĂ© ou pas publiĂ©, câest un fait. RĂ©ussite ou Ă©chec, des interprĂ©tations. La question, Ă mon sens, câest : oĂč jâĂ©tais avant dâentreprendre ça, oĂč je suis maintenant, et oĂč est-ce que ça mâamĂšne ? Ecrire un roman en un an, c'est un beau challenge. Au-delĂ de cette date, l'Ă©criture est toujours dans ta vie. C'est donc mieux qu'un challenge, c'est une amie fidĂšle.
En tout cas, je te souhaite de tout cĆur de trouver le chemin qui tâest personnel et dâutiliser tout ton talent dâĂ©criture pour poser sur l'issue de ton expĂ©rience les mots qui rĂ©sonnent en toi et tâappartiennent.
Bonjour Alexandre, j'adhĂšre complĂštement Ă ta façon de fonctionner. J'ai dĂ©jĂ expĂ©rimentĂ© les temps dits "morts" (qui sont tout sauf morts, en fait) pour prendre du recul avec mon texte, et ça marche trĂšs bien. Non seulement je vois des dĂ©fauts qui m'Ă©chappaient quand j'avais le nez dans le guidon, mais en plus, je suis plus zen et plus Ă mĂȘme d'accepter les remarques (parfois dures) de certains relecteurs ou relectrices.
Je suis d'accord aussi, quand un éditeur répond précisément à un envoi de texte, c'est qu'il l'a lu (ou fait lire) en entier et qu'il s'est posé la question sérieusement, quant à éditer ou non ce texte. Il reste encore des éditeurs qui ne t'ont pas répondu, et parfois la réponse met trÚs longtemps à venir, qu'elle soit positive ou non. Tu peux laisser sommeiller encore un peu ce roman en attendant d'autres retours aprÚs la saison littéraire.
Tu peux aussi regarder avec un peu de recul les arguments envoyĂ©s par les deux maisons qui t'ont rĂ©pondu avec des dĂ©tails. Peut-ĂȘtre y trouveras-tu des idĂ©es pour encore amĂ©liorer ce roman, avant de l'envoyer Ă d'autres Ă©diteurs. Des idĂ©es qui peuvent signifier une reprise de l'Ă©criture d'une partie notable du texte, mais si tu penses que cela en vaut la peine, pourquoi pas.
Bravo pour tout ce que tu as fait jusqu'Ă prĂ©sent, tu peux en ĂȘtre fier, que ce soit Ă©ditĂ© en l'Ă©tat ou pas.
Le temps est ton allié, si tu ne lùches rien ! Et surtout, surtout, à mon avis, le plus important, c'est de conserver le plaisir de créer !
Amitiés
Georges