Hello, la forme ?
Cet été, l’édition sur comment trouver la fin parfaite pour son histoire a eu beaucoup de succès. Aujourd’hui, on revient sur nos pas et on parle de comment inventer le meilleur début possible pour accrocher le lecteur.
Au programme :
Pourquoi le début d'une histoire est fondamental
Les ingrédients d’un début réussi
Un exemple de premier chapitre mémorable
Trois techniques éprouvées pour bien commencer
Bonne lecture !
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Avant de commencer…
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Et maintenant, retour à notre sujet…
Pourquoi le début d'une histoire est fondamental
Quand je vais à la librairie acheter un nouveau livre, j’ai ce petit tic : je lis toujours la première page. J’essaie de saisir si cette oeuvre va me plaire. Que raconte l’histoire ? Est-ce que je vais aimer le style ? Est-ce que c’est mon type de livre ?
Autant de questions auxquelles se doit de répondre un bon début. Beaucoup de lecteurs sont comme moi : tout les attire, mais ils décideront vite si ce bouquin va leur plaire ou pas. Si ça mérite de payer quinze ou vingt euros pour l’acheter. Si les heures de lecture en perspective valent le coup. Cela peut sembler injuste, mais c’est le privilège du lecteur face à une telle abondance de choix.
D’où l’importance de se démarquer !
Un incipit (la première phrase) qui fonctionne, c’est la promesse d’amener le lecteur à lire la première page. Une première page intéressante, et c’est tout le premier chapitre qui a de bonnes chances d’y passer. Et ainsi de suite. Le début du livre est l’occasion pour l’écrivain de happer son lecteur.
Et quand on est un aspirant écrivain pas encore publié, qui est le plus important de tous ces lecteurs ?
Bingo : l’éditeur.
Le début du texte est fondamental parce qu’il conditionne vos chances d’être retenu (ou pas) par une maison d’édition. Comme l’avait souligné l’écrivain Sébastien Spitzer lorsque j’avais fait un stage d’écriture à ses côtés, “le début est très important : il faut que vos dix premières pages soient parfaites. C’est elles qui seront lues par les employés du service des manuscrits, et si ça leur plaît, ils enverront le texte à un lecteur professionnel qui en tirera une fiche de lecture pour la modique somme de… 20€ par manuscrit. Gardez bien une chose en tête : vos premiers lecteurs se feront un avis en quelques minutes seulement. Ils n’ont pas le temps pour plus”.
Bigre, ça part bien.
Les ingrédients d’un début réussi
L’objectif du début est de donner au lecteur l’envie de lire la suite. Pour ça, il y a deux conditions.
D’abord, les premières pages doivent poser le contexte de l’histoire. Le lecteur n’a encore absolument aucune info sur ce que vous allez lui raconter. Pour l’embarquer, il faut donc très rapidement lui livrer des éléments auxquels se raccrocher. Ces éléments seront en général :
un lieu : où se passe cette première scène ?
un moment : quand a-t-elle lieu ? Passé, présent, futur ?
un personnage : qui se retrouve plongé dans ce contexte ?
et un narrateur : qui raconte l’histoire ? Un je, un il ? Comment s’exprime-t-il ?
Deuxièmement, le début est là pour stimuler la curiosité du lecteur. En même temps qu’on introduit les éléments ci-dessus, il faut aussi glisser des détails, des informations parcellaires, des mystères. Dès le début, il faut amener le lecteur à se poser des questions : “pourquoi… ?”.
Un bon début permet donc au lecteur de raccrocher les wagons quant au contexte de l’histoire, tout en faisant naître des interrogations qui vont l’amener à tourner les pages.
Au fait…
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Un exemple de premier chapitre mémorable
Avez-vous lu La griffe du chien, de Don Winslow ? Premier volet d’une trilogie consacrée aux cartels mexicains et vendue à plusieurs millions d’exemplaires, le livre détaille les années d’affrontement entre Art Keller, agent de la DEA, et le chef du cartel de Sinaloa, Adan Barrera. Le livre a beau faire plus de 500 pages, j’en conserve le souvenir d’un véritable page-turner, et d’un début coup de poing qui vous plonge immédiatement dans l’ambiance.
Je vous laisse en juger :
Le bébé est mort dans les bras de sa mère.
A la manière dont gisent les deux cadavres -elle dessus, le bébé sous elle-, Art Keller comprend qu’elle a tenté de protéger son enfant en lui faisant rempart de son corps. Elle devrait pourtant savoir, songe-t-il, que la douceur de sa chair ne pourrait arrêter les balles -pas à cette distance, pas des rafales d’armes automatiques-, mais elle a dû agir d’instinct. Une mère s’interpose de tout son être entre son enfant et le danger. (…)
Dix-neuf cadavres. Dix-neuf victimes de plus à porter à l’actif de la guerre contre la drogue. Après quatorze années en compagnie d’Adan Barrera, le spectacle des cadavres lui est familier - il en a vu beaucoup. Mais pas dix-neuf d’un coup. Pas des femmes, des enfants, des bébés. Pas ça. (…)
Les tueurs ont estimé qu’un membre de la famille était un “dedo”, un doigt - un informateur.
Parce que c’est moi qui ai tout fait pour qu’ils le croient.
Que Dieu me pardonne. (…)
Regarde les choses en face, se dit Art. Ça a marché exactement selon tes prévisions.
C’est le genre de début qui vous plonge tout de suite dans l’ambiance 😬 Une scène choc, un héros traumatisé par sa découverte. Un espace-temps facilement identifiable - une maison à la frontière mexicaine, en plein territoire des cartels.
Pensez à ces questions qui viennent forcément : on se demande pourquoi ce carnage, qui en sont les auteurs, pour quels les motifs. On se demande aussi comment ce fameux Art Keller, qui semble être le héros, peut être impliqué dans un acte aussi horrible, et comment ce massacre peut faire partie de “ses prévisions”.
Et puis, en parallèle, il y a les détails qui stimulent eux aussi la curiosité. Qui est Adan Barrera, l’homme qui semble familier des cadavres ? Comment le héros a-t-il passé quatorze années avec lui ? Etc.
Trois techniques éprouvées pour bien commencer
L’avantage de partir d’une page blanche, c’est êtes entièrement libre sur comment atteindre ce double-objectif : installer le lecteur dans le contexte de l’histoire, et stimuler sa curiosité. Il n’existe pas de mode d’emploi unique (et heureusement).
En revanche, il existe des méthodes éprouvées qui sont toujours efficaces (et dont connaître le nom permet de se la péter en société #malin). J’en ai listé trois :
L’analepse, ou flash-back : l’histoire commence par une scène se déroulant dans un passé relativement lointain. Le roman La vérité sur l’affaire Harry Québert de Joël Dicker, couronné (notamment) par le Goncourt des lycéens, s’ouvre en 1975 lorsqu’une femme appelle la police après avoir vu une jeune fille s’enfoncer dans les bois, poursuivie par un homme ; l’adolescente ne sera jamais retrouvée. On tourne la page, et… nous voilà en 2008, pour le “vrai” début de l’histoire.
La prolepse, ou flash-forward : l’astuce consiste ici à débuter le roman par une scène qui aura lieu (bien) après le début du livre - souvent à la toute fin ou presque. Dans La griffe du chien citée plus haut, le massacre a lieu en 1997, mais le récit débute en fait par les origines de toute cette histoire, vingt ans plus tôt.
Le début in media res (littéralement « au milieu des choses ») : au lieu de commencer par introduire le contexte et les personnages avant d’arriver à l’action, on inverse l’approche. Le lecteur est plongé directement en pleine action afin d’être immergé dans l’histoire, et le contexte ne sera expliqué que plus tard. Je me souviens du début de La horde du contrevent d’Alain Damasio, où une floppée de personnages aux noms et rôles pas encore très clairs sont en train d’affronter ce qui ressemble à un cataclysme : “À la cinquième salve, l’onde de choc fractura le fémur d’enceinte et le vent sabla cru le village à travers les jointures béantes du granit. Sous mon casque, le son atroce du roc poncé perce, mes dents vibrent - je plie contre Pietro, des aiguilles de quartz crissent sur son masque de contre”.
Dites-moi en commentaire si vous voyez d’autres techniques !
Mes découvertes récentes
La newsletter est déjà longue, alors je vous partage en vrac mes découvertes récentes (j’aime bien cette section) :
L’ami Alexis Bonon a lancé sa newsletter Ex Libris sur les rouages du scénario et de l'écriture de fiction - à découvrir ici de toute urgence 📖 🎭
Diane a sorti un outil génial pour les fans de lecture et de voyage : une carte pour découvrir des livres en fonction de là où ils se déroulent, pour (par exemple) s’imprégner de l’ambiance d’un lieu avant d’y partir - à tester là 📚 🛩️
J’ai écouté le podcast Sortir de la douleur, où Khaled raconte son histoire : une vie de criminalité, entre braquages, cavale et prison, qui manque de se solder par un suicide… Jusqu’à trouver la rédemption dans l’écriture - à écouter ici 🏦 🔫
Conclusion
Et nous voilà à la fin de cette édition consacrée aux débuts, que je voulais courte — encore loupé ! J’espère qu’elle vous a plu néanmoins 😊
De mon côté, je continue de bien avancer dans mon premier jet ; il me reste encore une vingtaine de scènes sur les 75 prévues. Ça prend du temps, mais ça progresse !
Allez, on se retrouve dans 2 semaines.
J+1125.
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Merci Alexandre, je suis une grande partisane du "in medias res" personnellement 😇. Bon, après faut savoir raccrocher les wagons mais au moins ça pose directement le cadre.
L’exemple que tu cites me fait penser au début de American Dirt de Jeanine Cummings, absolument époustouflant, je te le conseille (le roman est aussi sur la route puissance des cartels au Mexique)