✍️ J+852 - (Re)partir d'une feuille blanche
Comment construire une histoire en partant de zéro ?
Bonjour, et bienvenue dans cette 57ème édition !
En ce moment, je suis dans la phase préparatoire d’un nouveau manuscrit : je redécouvre ce que ça fait de partir d’une feuille blanche. Il y a 10 ans, je m’étais lancé au hasard, écrivant les idées comme elles venaient.
Cette fois-ci, j’adopte une méthode plus structurée, en utilisant mes apprentissages des derniers mois. C’est cette méthode que nous allons voir aujourd’hui.
Au programme :
La base d’une bonne histoire : les personnages
Sept questions pour créer un personnage inoubliable
Bonne lecture !
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La base d’une bonne histoire : les personnages
Tous les auteurs et scénaristes vous le diront : une bonne histoire se construit grâce à ses personnages.
Ce sont eux qui permettront au lecteur de s’identifier et de ressentir de l’empathie. Sans personnages, même la plus incroyable des histoires ressemblerait à un article de journal. Comme le disait cyniquement Staline : “La mort d’un homme est une tragédie ; celle d’un million d'hommes est une statistique”.
Si le lecteur ne s’attache pas aux personnages, il restera indifférent face aux épreuves qu’ils traversent. Il n’aura pas envie de tourner les pages et de découvrir la suite. Pour écrire une bonne histoire, il faut donc commencer par créer un (ou plusieurs) personnages épais et cohérents.
Pensez à la sensation de tristesse qui vous envahit parfois en finissant un excellent livre : au moment où on tourne la dernière page, on sent cette espèce de nostalgie, comme si on disait adieu à un ami. C’est ça, un personnage réussi.
Sept questions pour créer un personnage inoubliable
Alors, comment créer ce héros qui marquera les coeurs et les esprits ? Sur ma feuille blanche, j’ai commencé par inscrire une liste de questions.
1. Qui est-ce ?
Description physique, âge, origines, caractère, qualités, défauts… Pour imaginer mon personnage, je commence par la partie émergée de l’iceberg, comme si je venais de le rencontrer. De quoi a-t-il l’air ? Qu’est-ce qui saute aux yeux ? Est-ce qu’il ressemble à quelqu’un que je connais ? (un ami, un proche, une célébrité…)
Par exemple, dans Cyrano de Bergerac, Cyrano est un militaire à la langue bien pendue, avec un très gros nez.
2. Quelle est sa faiblesse ?
Ce sont les fragilités du personnage qui créent son relief, sa profondeur, qui renforcent son côté humain. C’est ce qui permettra au lecteur de s’y identifier, d’être ému par sa situation.
Il peut s’agir d’une faiblesse physique (handicap, laideur…), liée à la situation du personnage (pauvreté, maladie…), ou à son caractère (manque de confiance en soi, syndrome de l’imposteur…).
Terriblement complexé par son nez, Cyrano a une apparence physique repoussante et estime qu’il ne mérite pas d’être aimé.
3. Quel est le désir/besoin du personnage ?
A la faiblesse répond en général un désir (conscient) ou un besoin (inconscient) du personnage d’accéder à quelque chose qui lui manque. C’est la poursuite de ce désir qui constituera sa quête, comme un fil rouge au milieu des péripéties.
Comme tous les hommes, Cyrano éprouve pourtant lui aussi des sentiments. Il est amoureux de la belle Roxane et rêve qu’elle réponde à ses sentiments.
4. Qu’est-ce qui empêche le personnage d’y parvenir ?
C’est là qu’entre en jeu la figure de l’adversaire contre lequel va lutter votre héros. Ce n’est pas forcément un autre personnage : il peut s’agir d’un sentiment (la peur), d’obstacles extérieurs (les coups du sort), etc.
L’adversaire de Cyrano, c’est sa (mauvaise) image de lui-même : certain d’être repoussé par Roxane, il est incapable de lui avouer son amour.
5. Quel est le plan pour surmonter ces obstacles ?
Qu’il soit entraîné par les circonstances, ou qu’il décide spontanément de lutter pour changer sa situation, le personnage va élaborer un plan pour atteindre son objectif et surmonter les obstacles identifiés à l’étape précédente.
Christian, un beau jeune homme lui aussi amoureux de Roxane, demande à Cyrano de l’aider à la séduire. Y voyant une occasion indirecte de lui déclarer ses sentiments, Cyrano accepte.
6. Qu’est-ce qui va résulter de cette confrontation ?
Un plan se déroule rarement comme prévu : à chaque obstacle surmonté, vient en général répondre un obstacle encore plus grand, obligeant le personnage à des sacrifices de plus en plus importants.
Cyrano aide Christian à séduire Roxane ; mais c’est Christian qui récolte les fruits de son triomphe. Quand le jeune homme est tué au combat, Cyrano refuse encore de se déclarer à Roxane, ne pouvant trahir la mémoire de son ami.
7. Que va-t-il apprendre dans l’épreuve ?
Que le personnage triomphe ou pas des épreuves, il aura grandi tout au long de sa quête : un personnage timide aura réussi à s’affirmer, un personnage peureux aura fait preuve de courage, etc.
Sentant la mort venir, Cyrano révèle son amour à Roxane, et comprend que cet amour aurait pu être réciproque… Mais il part avec fierté et panache, emportant avec lui la certitude que Roxane l’aimait lui, malgré sa laideur.
Conclusion
Comme vous le voyez, un seul personnage bien creusé suffit à créer une bonne histoire. Avant de vous lancer dans la rédaction de votre premier jet, il est utile de réaliser le même exercice pour chacun de vos personnages, même secondaires. Cela permet de s’assurer que tous les protagonistes sont creusés, cohérents et intéressants !
Cette semaine sur les réseaux…
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Le mot de la fin
Les écrivains se répartissent en deux catégories : les architectes (qui planifient leur texte avant de l’écrire), et les jardiniers (qui commencent à écrire et voient où ça les mène). J’espère que ce zoom sur le mode de travail d’un architecte vous sera utile !
De mon côté, j’ai envoyé cette semaine mes relances aux éditeurs. J’ai donc désormais l’esprit plus libre pour me lancer dans cette nouvelle histoire.
Les notes s’accumulent, les brouillons s’étoffent… C’est un travail de long terme, mais la créativité se (re)met en route.
J+852.
Bonjour Alexandre !
Je partage globalement tes idées directrices.
Les personnages sont l'épine dorsale d'un récit. Ils doivent avoir de la consistance.
Ils doivent avoir des imperfections (faiblesses, défauts, lacunes, boulets issus de leur passé, croyances erronées, peu importe ; un mélange de tout ça, ça marche aussi) qui les conduisent à des échecs, ou à dégrader quelque chose dans leur entourage (c'est plus fort si cela impacte les autres aussi et pas qu'eux-mêmes).
Leur désir conscient et leur besoin inconscient sont de grands moteurs pour évoluer : un personnage qui n'évolue pas n'a pas grand intérêt (dans les James Bond, l'intérêt réside un peu dans l'intrigue et surtout dans les scènes d'action, pas dans le personnage qui ne change pas au fond de lui-même). Le principal protagoniste va apprendre, ou il va changer ; il ne sera plus jamais le même.
C'est également très fort quand le personnage principal et l'antagoniste principal ont exactement le même objectif mais pas les mêmes valeurs ni les mêmes méthodes. C'est forcément le cas quand l'antagoniste est le personnage lui-même ; mais c'est très faisable même entre deux personnes différentes. C'est évident à faire dans une romance (entre deux rivaux par exemple), il faut y réfléchir un peu plus pour de l'imaginaire ou un autre genre, mais c'est complètement faisable. Et par objectif identique, je ne dis pas cible identique : un policier qui veut faire émerger la vérité sur un meurtre et le coupable qui veut étouffer cette même vérité, n'ont à mon sens pas le même objectif, ils sont diamétralement opposés, ils ont juste la même cible : la vérité, la révéler ou l'étouffer. C'est déjà bien, mais on peut aller plus loin. Quand deux personnages veulent tous deux révéler une vérité mais que leurs méthodes sont incompatibles entre elles, le conflit est d'autant plus intéressant à suivre. Et souvent l'opposition bien/mal est moins nette (voire inexistante), c'est plus subtil et on peut souvent surprendre le lecteur.
Dans l'épreuve finale, il est bien plus impactant que le personnage principal soit à l'origine de la victoire (qu'il soit seul ou accompagné) et surtout, que sa victoire ne soit pas possible sans qu'il ait évolué auparavant. Là, l'impact émotionnel chez le lecteur est amplifié.
Au sujet de mon nouveau roman, dont j'ai parlé voici quinze jours : le premier jet est achevé depuis le 6 décembre, il est déjà relu et corrigé une première fois à chaud par moi-même depuis le 13 décembre, il fait finalement 63400 mots. Un mois et demi de rédaction donc, qui avaient suivi 6 mois de préparation (comme tu es en train de procéder). Je l'ai mis "au frigo" et je le relirai en deuxième quinzaine de janvier avec du recul, puis plus tard, quand j'en serai satisfait, donc après quelques corrections et modifications (mais sans relire une troisième fois, sinon on n'en finit jamais), je ferai relire à des BL pour voir quoi améliorer encore. Sans doute après mi février, ça va venir vite !
Bonnes fêtes de fin d'année !
Georges
Belle nouvelle aventure littéraire 🙏🤗