🐛 Les grandes histoires parlent de transformation
Comment faire de l'évolution des personnages la meilleure arme pour captiver le lecteur ?
Bonjour bonjour, 69ème édition !
Difficile de ne pas se sentir fébrile en ce jour de vote. Ma mission aujourd’hui : nous changer les idées et nous faire un peu rêver, en parlant des grandes histoires et de comment elles poussent leurs personnages à se transformer.
Bonne lecture 😊
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Les grandes histoires parlent de transformation
Si les histoires valent la peine d’être racontées, c’est parce qu’elles nous permettent de vivre la transformation d’un personnage. En ouvrant un livre, on se plonge dans un univers, un quotidien, une vie qui n’est pas la nôtre. On découvre un héros, ses actions, ses dilemmes, ses modes de pensée, et on va l’accompagner pendant plusieurs centaines de pages.
Tout l’intérêt de l’histoire va alors être de montrer la manière dont ce héros va changer, et devenir quelqu’un d’autre : une meilleure (ou une pire) version de lui-même, quelqu’un qui aura appris une leçon importante, découvert une facette inconnue de sa personnalité, développé une qualité qui lui manquait…
C’est la transformation qui captive le lecteur
J’ai déjà parlé dans les éditions précédentes de l’importance de la psychologie des personnages, par exemple ici ou ici. Pour que le lecteur s’attache au protagoniste, il faut que ce dernier soit cohérent, intéressant et bien caractérisé. Cela permet de comprendre comment il pense, ressent et agit. Mais ce n’est que la première étape !
Si le héros ne se transforme pas au cours de l’histoire, le lecteur va vite s’en lasser. C’est tout l’intérêt de ce qu’on appelle l’arc transformationnel : la manière dont un individu évolue.
Le risque : une transformation incohérente
OK, il nous faut une transformation entre le point A (au début de l’histoire) et le point B (à la fin). Mais pour qu’elle soit réussie, cette transformation doit apparaître logique aux yeux du lecteur.
Le problème de beaucoup d’auteurs, c’est qu’ils imaginent d’abord l’histoire et ses rebondissements, et ensuite seulement, ils y insèrent un personnage [je sais de quoi je parle : je suis tombé dans le piège avec mon manuscrit d’avant].
Le problème de cette approche, c’est qu’elle laisse un espace de développement limité pour le héros : quoi que celui-ci traverse, la prochaine étape de l’histoire est connue, et c’est donc là que l’auteur va le faire aller - qu’importe si sa réaction est cohérente ou pas. Or, cette incohérence risque de briser la suspension d’incrédulité du lecteur, c’est-à-dire sa capacité à suivre l’histoire sans jamais se dire “non, c’est pas crédible”.
Si la fin de la série Game of Thrones a déçu tant de fans, c’est parce que toute la psychologie patiemment élaborée pendant huit saisons semble finalement avoir été jetée au feu au profit d’une fin incohérente et imprévisible.
La transformation doit venir du personnage - et pas de l’auteur
Pour éviter ces incohérences, une seule règle, de nouveau : tout doit être logique. Pour l’auteur, cela signifie changer d’approche : au lieu de penser “j’ai besoin que mon personnage aille là, donc voilà comment il va se comporter”, il faut plutôt se dire “je connais la psychologie de mon héros, et voilà comment il réagirait si tel événement lui arrivait”.
Dit autrement, l’histoire se construit autour du personnage et de ses réactions aux événements — plutôt que construire un protagoniste qui n’a d’autre rôle de se faire balloter par l’histoire.
Une technique particulièrement efficace, évoquée par John Truby dans l’Anatomie du scénario (que j’ai enfin terminé cette semaine, youpi), est ce qu’on appelle le rebondissement-révélation : les changements de trajectoire du personnage seront crédibles si jamais celui-ci vit ou découvre une chose qui l’affecte suffisamment pour changer sa vision du monde, et ainsi modifier son désir.
Prenons un exemple. Dans Le Roi Lion, après la mort de son père Mufasa, le jeune Simba n’a plus qu’une volonté : vivre sans responsabilités, loin des affaires du monde et du trône qui lui revient de droit. Hakuna Matata. Plusieurs mois/années passent ainsi, sans que Simba ne change d’avis, car sa vision du monde n’évolue pas : il est convaincu de ne plus compter pour personne, certain le monde est bien meilleur sans lui.
Mais lorsque son amie d’enfance Nala le retrouve et lui explique la réalité de la terrible vie dans le royaume sous le règne de Scar, Simba a une révélation : ceux qu’il aime sont malheureux par sa faute. Sa responsabilité est donc de changer les choses. Simba réalise qu’il s’est trompé, et qu’il doit reprendre sa place, même s’il ne se sent pas (encore) capable de le faire.
Son désir a été modifié, et le spectateur comprend pourquoi : la transformation est cohérente.
Conclusion
Le rôle d’auteur me rappelle souvent celui d’un équilibriste obligé de jongler avec de nombreux paramètres pour faire en sorte que l’histoire tienne debout. Il faut parvenir à imbriquer les événements de l’histoire avec la psychologie du personnage, pour mener une transformation qui soit à la fois cohérente et intéressante à suivre pour le lecteur. C’est donc un jeu constant de curseurs, pas toujours facile… Mais hautement passionnant !
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C’est tout pour aujourd’hui ! Si vous lisez cette newsletter le jour de sa sortie, pensez à aller voter : la démocratie n’est pas un régime parfait, mais depuis la Grèce Antique, on n’a encore jamais réussi à faire mieux. Chaque voix compte, alors n’oubliez pas de faire entendre la vôtre 🗳️
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J+1048.
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Ooh merci pour la mention à l'édition avec Ian Flemming 💛
Bonjour Alexandre,
Merci pour cette newsletter, très pertinente comme à chaque fois.
Je crois que beaucoup d'écrivain(e)s ont fait au moins une fois cette erreur dans leur vie, qui leur a servi d'expérience : faire agir un personnage selon le besoin de l'intrigue et pas selon sa personnalité, voire plus visible encore, ses compétences. Les retours de relectures sont en général assez tranchants quand ça arrive...
Je suis 100% d'accord avec toi sur ce que tu préconises !
Bon dimanche
Georges
PS : je viens de voter ;-)