🤪 J-163 - La joyeuse schizophrénie

J'ai parfois l'impression qu'on est plusieurs dans ma tête : il y a moi, mon ego, et puis mes personnages.

Hello !

Il y a quelques semaines, lorsque je me suis lancé dans la relecture et l’adaptation du synopsis de mon roman, j’ai par moments eu l’impression de glisser peu à peu vers la folie. De sentir ma personnalité se dédoubler, et d’entendre des voix dans ma tête le soir avant de m’endormir. Au point d’avoir l’impression d’être victime d’une joyeuse schizophrénie (note : quelques recherches m’ont appris qu’en réalité, le dédoublement de personnalité n’est pas un effet de la schizophrénie. J’ai vécu dans le mensonge 😕 ).

Pourquoi ? Parce que je tentais de modeler la matière brute qui détermine les qualités fondamentales d’un roman : les personnages.

C’est le sujet de l’édition du jour. Bonne lecture !

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A quoi servent les personnages ?

Si les personnages sont fondamentaux dans le cadre de n’importe quel récit de fiction, c’est parce que ce sont eux qui vont vivre l’histoire. Et en tant que lecteur, nous allons découvrir celle-ci grâce à leur point de vue.

Prenons un instant pour parler de 3 notions théoriques assez proches, qui vont vous aider à mieux comprendre les ingrédients d’un bon roman. D’un côté, nous avons l’histoire : des faits qui se succèdent, dans un ordre chronologique. De l’autre, nous avons l’intrigue, qui correspond aux objectifs et motivations des personnages. L’histoire est factuelle, l’intrigue est émotionnelle.

Sur l’intrigue, cf. cette ancienne édition : Pourquoi me liriez-vous ?

Le rôle de l’écrivain est de créer le récit - c’est lui qui permettra au lecteur de découvrir à la fois l’histoire et l’intrigue. Les deux sont complémentaires pour maintenir votre attention en éveil tout du long : vous souhaitez à la fois savoir ce qui va se passer (les faits), et voir comment les personnages vont réagir (émotions et actions, qui engendrent elles-mêmes d’autres faits).

Une bonne intrigue est donc indissociable de bons personnages, car c’est par leurs yeux que le lecteur pourra découvrir l’histoire, avec toute la charge émotionnelle associée.

Prenons un exemple : “Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée française a comptabilisé 612 soldats fusillés pour désobéissance militaire”. C’est un fait. Il y a peu de chances que cette phrase vous ait fait frémir.

Alors que les mêmes faits, du point de vue d’un personnage, cela donne : “Ma bien chère Lucie, quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé”. Parce qu’il dit je, on se met forcément à la place de ce personnage. Et on ressent une fraction de ce qu’il a pu ressentir.

Cette lettre a réellement existé, et son auteur aussi. Elle est issue du recueil Paroles de poilus - le reste est lisible ici

Les clés d’un bon personnage

Elaborer un bon personnage, c’est devoir se créer de toutes pièces un ami imaginaire. Le plus frustrant dans cette démarche, c’est d’être conscient que l’on n’exploitera qu’une partie de ce travail de création - pourtant éreintant.

Lors de l’écriture de la première version de mon manuscrit, je me concentrais essentiellement sur l’histoire et sur des successions de faits. Mes personnages faisaient ce que j’avais besoin qu’ils fassent, au moment où j’en avais besoin. Le problème avec ça, c’est que la cohérence de l’ensemble était précaire.

Car sans une compréhension fine des personnages, de leur psychologie et de leurs motivations, on se heurte rapidement à des incohérences.

Lorsque j’ai fait le point sur mon scénario, une bonne partie du travail a donc consisté à creuser davantage ces personnages. Qu’est-ce qui pourrait expliquer qu’ils agissent de telle ou telle manière ? Qu’ont-ils vécu auparavant, vers quoi se projettent-ils ? Quels sont leurs désirs, leurs objectifs, leurs besoins, leurs motivations, leurs tiraillements ?

Ce sont leurs sentiments qui rendent les personnages attachants, car ceux-ci nous rappellent nos propres émotions.

Dans ma nouvelle l’Âme de la tour, on ne s’identifie pas à l’héroïne parce qu’elle a 38 ans ou qu’elle a les cheveux noirs. Mais plutôt car on ne peut pas s’empêcher de se demander comment on réagirait si on se retrouvait dans la même situation, enfermée dans son propre appartement.

Bref, même si le lecteur découvre le personnage au fil du récit, l’écrivain gagnera énormément de temps s’il a une vision claire de son but, de son caractère et de ses motivations dès le début.

Avec des héros bien écrits, l’intrigue se construit toute seule : il suffit d’imaginer comment ils réagiraient s’ils devaient affronter une situation donnée. Cela permet d’éviter de créer des personnages vides de sens, incapables de tenir debout sans la béquille de l’histoire.

Les personnages : ma difficulté du moment

Alors, au-delà de la théorie, comment est-ce que je m’en sors avec la création / amélioration de mes personnages ? Eh ben on va pas se mentir : c’est DUR 😅

L’exercice en lui-même est très intéressant, et même si ça implique de se faire des noeuds au cerveau, j’adore cette sensation de devoir construire l’histoire d’un personnage jusqu’à être capable d’expliquer tous ses actes : qui il est, d’où il vient, ce qu’il recherche, pourquoi… Ce travail de modelage est passionnant.

Mais le problème, c’est qu’il est chronophage. Très chronophage. Et casse-gueule, aussi : on a vite fait de se prendre les pieds dans le tapis, et de créer un personnage trop lisse, trop caricatural, ou trop imprévisible. C’est pour cela que la plupart des articles que j’ai lus sur la création de personnages conseillent de partir d’un personnage principal unique.

Or, dans mon manuscrit, j’en ai… Six.

A priori, c’est une erreur classique des écrivains débutants : mettre trop de personnages.

En retravaillant mon scénario, je suis donc obligé de faire des choix. De définir qui est le personnage principal, et qui est secondaire. C’était déjà plutôt clair dans ma tête, mais en relisant certains passages, je me rends compte que cela n’avait rien d’évident pour le lecteur.

Pour l’instant cependant, j’ai conservé mes six personnages. J’ai du mal à imaginer mon roman sans un seul d’entre eux. Mais peut-être que je devrai en arriver là. Et tuer l’un de ces six protagonistes qui vivent dans un coin de ma tête depuis huit ans.

Car en attendant, je me heurte à trois écueils.

Le premier, c’est de m’assurer que mes personnages sont suffisamment épais : qu’ils ont bien tous un objectif, des caractéristiques propres, une personnalité affirmée, un arc narratif clair. Je me suis concentré sur cet axe pour le moment.

Le deuxième écueil, c’est de sentir si mes personnages sont crédibles pour le lecteur. C’est difficile, car je sais toujours ce qui va leur arriver, donc je ne peux pas me surprendre moi-même. Trop de détails, et le rythme du récit en pâtit. Trop peu d’indices, et tel ou tel effet risque de tomber comme un cheveu sur la soupe. Tout est affaire de dosage.

Le dernier enfin, je le verrai dans quelques semaines : c’est la taille qu’aura mon texte à la fin. Plus je détaille mes personnages, plus je suis tenté de rallonger un manuscrit qui fait déjà près de 400 pages. Or, un premier roman est censé être court. Pour l’éditeur, c’est moins cher à imprimer, à stocker et à distribuer. Et ça a moins de chances de dissuader un lecteur potentiel. L’époque est à l’immédiateté.

Conclusion : le combat continue

Vous l’aurez compris, la réécriture de ce roman est loin d’être un long fleuve tranquille !

J’ai totalement éclaté le plan d’action que je vous avais partagé à la fin de l’été, mais j’ai fini par m’y faire. Et puis, heureusement, j’avais un peu de marge, même si les jours passent à une vitesse délirante.

Je continue d’écrire au moins un jour sur deux, bien que la période soit riche en changements : je commence mon nouveau boulot demain, et ma chère et tendre et moi devrions pouvoir aménager dans le nouvel appartement dans les jours qui viennent. Après 8 semaines à vivre dans des AirBnB et à passer 2h par jour sur le site d’Ikea, ça devrait nous libérer du temps…

Et le temps, c’est le carburant des rêves 🔥

J-163.